Portrait d’actionnaire: Abdesselam Nekhoul « il faut être humain avant d’être pharmacien »

Home / Articles / Portrait d’actionnaire: Abdesselam Nekhoul « il faut être humain avant d’être pharmacien »

Portrait d’actionnaire: Abdesselam Nekhoul « il faut être humain avant d’être pharmacien »

Par Abdellatif Keddad

C’est grâce à une moyenne confortable au bac, que Abdesselam Nekhoul accède à la très sélective filière pharmacie à l’université. Il côtoie ainsi au cours du tronc commun biomédical, ses camarades futurs pharmaciens, médecins et chirurgiens dentistes, qui deviendront au cours de la vie professionnelle, ses fidèles amis. Tout au long de ses études, il découvre et apprécie de plus en plus la pharmacie dont il comprend le qualificatif de ‘c’est un art’. Très tôt, il est apprécié par ses camarades qui lui témoignent leur confiance en l’élisant avec les délégués universitaires.

Il garde le souvenir d’un département de pharmacie qui était en 1986, grâce au dynamisme de ses délégués, le plus actif au sein de l’université de Constantine. Ensemble, ils organisèrent diverses excursions, parmi elles, il se souvient de Timgad et Jijel qui ont été appréciées par les étudiants. Une association pour le développement de tamazigh avait été mise en place aux côtés de Mustapha Amrani élu  président, de qui il garde un excellent souvenir, et au sein de laquelle il a été élu trésorier. Pour l’anecdote, il site avec le sourire, une créance de 4 DA que lui doit l’association.

Son activité sportive a été dominée par le tennis de table qu’il pratiquait dans son quartier. A l’université, il abandonnera cette pratique au profit d’un engagement dans le mouvement associatif où il se souvient de la richesse et de la diversité des idéologies multiples et où les débats, souvent passionnés, se faisaient dans la sérénité et le respect des individus malgré les très nombreuses divergences.

Il obtiendra son diplôme en 1990 et si la volonté de poursuivre les études était présente, il optera finalement pour le secteur libéral en ouvrant son officine à El Aouana dans la wilaya de Jijel. Ses moyens financiers étaient modestes, c’est modestement qu’il débuta sa carrière : seul, sans employé assumant l’ensemble des tâches de cette nouvelle activité de l’officine.

Il était confiant en la bonne qualité de la formation qu’il avait suivie à la faculté et aux précieux accompagnements de ses aînés pharmaciens dont Mustapha Amrani qu’il cite à nouveau et qui lui a transmis un précieux bagage, il en garde un excellent souvenir. L’officine fut un terrain riche par la diversité de l’exercice allant de la dispensation, à la gestion de l’entreprise en passant par le préparatoire qu’il avait beaucoup développé.

Situé dans une zone agricole, il avait obtenu l’agrément de la direction de l’agriculture, pour la dispensation des médicaments vétérinaires, et il se lança pour les besoins des éleveurs, dans la préparation de nombreux médicaments. Six mois plus tard, il recruta les premiers membres de son équipe.

Abdesselam Nekhoul, par son sens de l’humanitaire, pratiquait déjà à cette époque en jeune pharmacien qui venait de s’installer ‘le conventionnement’ avec la sécurité sociale,  car il dispensait gratuitement les médicaments à un grand nombre de ses patients dans le besoin, dont la plupart lui étaient inconnus et n’habitaient pas El Aouana. Il remettait les médicaments à tous, sans exception aucune, sans la moindre hésitation : ceux qui pouvaient payer le faisaient, ceux qui ne pouvaient pas régler repartaient tout de même avec les médicaments. La dette était réglée par la suite, une fois le remboursement par la CNAS effectué.

Comment qualifier ce geste sinon celui de l’engagement d’un jeune pharmacien humain qui baigne dans une empathie exceptionnelle avec ses patients aux modestes moyens financiers. Son geste est amplifié d’humanisme, lorsque l’on sait que Abdesselam Nekhoul était la seule pharmacie à El Aouana, il aurait pu de ce fait parfaitement imposer ses règles, au lieu de cela, il a choisi la voie de l’humilité et de la compassion : « mon but premier est humain » dira-t-il.

Abdesselam a construit une relation de confiance et reste toujours à l’écoute de ses patients, qui lui confient ainsi les informations importantes et parfois les plus intimes, dont il a besoin pour mieux répondre à leurs demandes de soins. Il entretenait d’excellentes relations avec son confrère médecin privé de la localité, de 10 ans son aîné. Leurs échanges lui ont beaucoup apporté sur la connaissance des maladies au début de son exercice puis par la suite. Il reconnait en lui, un médecin de qualité, proche des patients et soucieux de la qualité de leur prise en charge. Ils se rencontraient souvent au niveau de l’officine pour discuter des divers produits, ou de l’observance des traitements.

Sa sociabilité et son humilité ont contribué à enrichir ses relations en qualité avec les divers praticiens, pharmaciens, médecins tous secteurs, chirurgiens dentistes, ainsi que les paramédicaux. Plus tard, il transféra son officine vers Jijel au chef lieu de wilaya. Il n’eut aucune difficulté à nouer de nouvelles relations professionnelles de bonne qualité avec ses confrères et les prescripteurs.  Apprécié par ses collègues qui le sollicitent, Abdesselam Nekhoul est élu à la présidence du premier bureau du SNAPO de la wilaya de Jijel.  Il assumera cette responsabilité avec brio et cèdera cependant sa place convaincu de l’alternance des mandats.

Il s’est aussi perfectionné dans la fiscalité de l’officine grâce à son beau frère, un comptable en qui il reconnait une personne humble et généreuse et qui a partagé avec lui ses compétences fiscales. En scientifique très méthodique, il s’est beaucoup investi dans l’organisation du travail et a été en 1998 le premier pharmacien informatisé dans la wilaya de Jijel. Son constat sur l’officine après 30 années d’exercice, rapporte un manque de communication préjudiciable entre les prescripteurs et les dispensateurs. Abdesselam ajoute que bon nombre de pharmaciens, du fait de leur absence, ont malheureusement abandonné une grande partie de leur exercice, à leur personnel ou aux membres de leur famille.

Il poursuit en insistant sur le fait qu’il faille impérativement que le pharmacien réintègre son officine en bouse blanche. Cette présence lui parait capitale vis-à-vis de la réglementation, des patients, de l’entreprise officine. Personne ne peut remplacer le pharmacien, ajoutant qu’ «avant d’être pharmacien, il faut être humain. » Pour lui, l’activité de l’officine a beaucoup évolué car ce sont greffés autour de l’acte pharmaceutique principal, des actes de gestions et des actes administratifs. La formation doit être actualisée et renforcée par de nouveaux modules.

Abdesselam Nekhoul note que le ministère de la santé est remarqué par son absence du secteur, car il envoie des inspecteurs des pharmacies pour inspecter les arrivées d’eau et les éléments accessoires alors que ceux-ci devraient jouer un rôle de conseil, de transmission de l’ensemble des bonnes pratiques pharmaceutiques. La formation continue, n’est malheureusement pas validée, les pharmaciens se documentent peu en informations scientifiques car  submergés par les problèmes d’approvisionnement associés au sur stockage imposé et surtout  les faibles revenus.

Si la situation de l’officine perdure, elle risque d’entrainer l’impossibilité pour les pharmaciens de réaliser leurs missions : le contrôle des ordonnances sera encore plus difficile, la vérification du bon usage des médicaments pareillement, les préparations magistrales disparaitront de l’officine par manque de temps. Parmi les solutions, Abdesselam Nekhoul rappelle que les bagages scientifiques sont essentiels pour l’exercice tout comme le respect de la réglementation. Il cite la possible rémunération pour le pharmacien, de certains actes, pour lesquels une formation aura été suivie et validée.

Il ajoute que la gestion du médicament doit être faite de manière scientifique et que  l’on gagne à exploiter les chiffres transmis dans le cadre du tiers payant par les pharmaciens pour un usage rationnel. Ces chiffres portant sur la consommation des médicaments ne sont pas exploités par la CNAS pour mieux connaitre les besoins de la population et donc permettre de réduire les pénuries dues à une gestion incertaine. Le développement d’une application avait été réalisé dans une caisse de wilaya, qui permettait d’identifier les anomalies dans les dispensations. Malheureusement, le travail n’avait pas été soutenu par la direction générale.

Quant au ministère de la santé, Abdesselam reste positif et pense que grâce à ces chiffres, le ministère de la santé pourrait identifier les causes et combattre efficacement les ruptures.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
Recent Posts
Contact

We're not around right now. But you can send us an email and we'll get back to you, asap.

Not readable? Change text. captcha txt