Portrait d’actionnaire, Bader Salim Khatibi, le pharmacien historien

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Portrait d’actionnaire, Bader Salim Khatibi, le pharmacien historien

Par A.K.

Bader Salim Khatibi, a grandi en étant imprégné de la pharmacie à Bou Saada, une cité fondée au 6e siècle de l’hégire. Elle est située  dans le Hodna, sur les hauts plateaux dans la wilaya de Msila, à la porte du Sud.

C’est en effet grâce aux amis de son père, des officinaux, doyens de la région, chez qui il passait une grande partie de son temps qu’il doit ses premiers contacts avec l’officine. Les très respectables docteurs Abdellatif Chikh et le défunt docteur Bensalem Abdelmadjid furent en quelque sorte ses maîtres. Ce fut donc pour lui, un choix universitaire logique à l’acquisition du bac.

Il regagne l’institut de pharmacie de Constantine où il décrochera son diplôme de pharmacien en 1991. Il prend alors sa première fonction de pharmacien en intégrant le laboratoire de l’hôpital régional, une structure de 240 lits. Ce sera le seul pharmacien dans la structure hospitalière durant son année d’exercice de laquelle il capitalisera une riche expérience et gardera de bons souvenirs de ses relations avec les prescripteurs qui sont devenus ses amis. Ce passage de fraîchement diplômé de l’université au monde de la santé lui fut extraordinaire et le marquera longtemps par la qualité des relations humaines qui ont été tissées tant avec les professionnels de la santé, qu’avec les patients.

Quittant le secteur public, il ouvre alors la première pharmacie privée de Ain Lahdjel une petite localité,  située sur la Rocade à près de 60 kilomètres au nord de Bou Saada sur la route d’Alger, à la fois carrefour entre le Nord et le Sud, et l’Est et l’Ouest. Malgré la dramatique période de la décennie noire traversée par le pays, la difficulté de s’approvisionner en médicaments, Bader nous confiera avec une certaine émotion, que très vite il avait été adopté comme un fils par la population. Travailler dans une petite localité est bien différent que dans une grande ville « tout le monde connait tout le monde ». La population est plus sensible aux conseils prodigués par le pharmacien, cet homme porteur de sciences médicales souvent perçus comme le médecin du quartier, qui est aussi un confident et qui bénéficie d’une relation de confiance particulière avec ses patients.

Dix huit mois plus tard, le besoin du retour aux sources, le pousse à transférer sa pharmacie dans le quartier qui l’a vu naitre à Bou Saada. Dans ses nouveaux locaux, Bader Salim cite à titre d’exemple, la qualité de la relation qu’il avait mise en place avec les prescripteurs qu’il appelait régulièrement, en particulier pour des substitutions. Face aux compétences de Bader Salim Khatibi, les prescripteurs ne voyaient pas d’objection aux substitutions qu’il leur proposait.

Puis, Bader nous plonge dans un autre univers, celui de l’histoire de la région des Ouled Nail en rappelant que ces tribus avaient soutenu le célèbre combattant du colonialisme l’Emir Abdelkader. Ils en ont par la suite subi une répression financière en étant obligés de payer un lourd impôt à l’administration coloniale.  Bader évoque les grands personnages qui ont marqué l’oasis la plus septentrionale du pays, comme Cheikh Belgacem Zaouia, fondateur de la zaouia Rahmanya d’El Hamel qui participa à l’insurrection de 1871. A sa mort en 1897, sa succession était disputée entre sa fille Lalla Zeyneb et son cousin Mohamed Belhadj. C’est finalement sa fille qui prendra la succession de la zaouia et la gestion de l’héritage de son père. Cependant, du fait de son engagement nationaliste, elle du subir les entraves de l’armée coloniale. A sa mort en 1904, son cousin prend le relai.

Poursuivant, Khatibi ajoute la citation d’Antoine de Saint-Exupéry qui disait de Bou Saada qu’elle était l’oasis d’Alger, et Alger la plage de Bou Saada. Celle-ci a toujours captivé les artistes et ses fabuleux canyon, au sein duquel on retrouve le moulin Ferrero, ont servi de décors à de grandes productions cinématographiques comme ‘Samson et Dalila’ en 1949 du réalisateur américain Cecil B De Mille. Bader nous mène ensuite vers le monde de l’art issu de Bou Saada en soulignant que c’est la région des bédouins, une région séculaire connue pour la poésie melhoun, qui veut dire agréable à l’oreille et mélodieux). Ces chants bédouins du Sud algérien appelés communément chants sahariens, ou plus spécifiquement aiyai. C’est un genre poético musical alliant le texte poétique à la gasba dont l’une de ses plus belles expressions est portée par la voie exceptionnelle de Khelifi Ahmed, le Naili qui a le plus marqué notre pharmacien.

Puis, Khatibi nous mène vers les artistes plasticiens qui ont été séduits par l’oasis de Bou Saada dont le nom signifie « la cité du bonheur », comme le célèbre artiste orientaliste Etienne Dinet (1861-1929) qui a découvert la région lors d’un voyage avec des entomologistes. Il a été marqué par la culture Naili et apprendra l’arabe pour mieux en saisir la portée. Il s’est appelé par la suite après sa conversion à l’Islam, Nasreddine Dinet. Vershafelt (1874-1955)  est le peintre orientaliste belge qui consacra à la région le plus grand nombre d’œuvres après Dinet.

Bader Salim poursuit en citant les nombreux artistes enfants de la région qui ont souvent été formés dans les ateliers de dessin du musée national Etienne Dinet, comme Zohir Dahmani ou Brahim Abdeldjabar et bien d’autres.  Notre pharmacien nous plonge ensuite dans la littérature locale avec « les terrasses de Bou Saada » et « Mohamed, le Prophète d’Allah» ouvrages rédigés par E. Dinet et co-rédigé par Slimane Ben Ibrahim pour le second, avec de belles enluminures du peintre miniaturiste Mohamed Racim. C’est en compagnie de son co-auteur, qu’ils feront ensemble en 1929, le pèlerinage à la Mecque.

Autre moment historique de Bou Saada, vient de la tenue après l’indépendance, du Conseil de la Révolution au niveau de l’Hôtel Transatlantique, qui garde dans ses mémoires le prestige d’un site de grande valeur.

Revenant à ses activités professionnelles, Bader Salim Khatibi s’était engagé, depuis son installation, à recevoir les étudiants en pharmacie pour les encadrer comme maître de stage et participer ainsi à la transmission de savoir. Ainsi, c’est près de 10 à 15 étudiants qu’il recevait chaque année provenant des divers départements de pharmacie (Alger, Sétif, Constantine, Batna, etc.). Il estime que leur formation universitaire est satisfaisante.

Comme c’est souvent le cas, il a participé à des actions humanitaires ponctuelles, ne refusant jamais lorsqu’il est sollicité. A cette panoplie d’activités, après l’histoire, l’art, l’action humanitaire, Badr Salim nous rapporte avoir pratiqué le volley de haut niveau avec l’équipe de Bou Saada qui était en 3e division à cette époque. Le match qu’il garde en tête et le derby avec Msila et la défaite en demi finale avec l’équipe de 1ère division Hassi Mamèche de Mostaganem, un fleuron du volley national. Puis c’est par pur hasard que Badr Salim se retrouve vice président de l’équipe de football de Bou Saada, dans le cadre d’un comité de sauvetage de l’équipe durant 4 années. Avec les autres membres, ils ont réussi l’exploit de hisser l’équipe en division 2, ce qui fut une ascension historique pour la ville. Ce parcours dans un domaine qu’il ne connaissait pas, a été pour B.S. Khatibi un challenge qui a laissé une empreinte positivement dans sa carrière sanitaire.

A la question de savoir, comment il est devenu actionnaire, Bader Salim nous confie qu’il est entré dans le groupement Pharma Invest par engagement militant. C’est en effet suite à une réunion du Conseil National du SNAPO présidé à l’époque par Omar Mehri, que le projet de groupement séduit. L’idée évoquée par les membres du syndicat à l’époque, d’impliquer d’avantage les pharmaciens dans le circuit du médicament, était vue comme une solution très plausible pour améliorer leur quotidien. Il estime que le parcours de Pharma Invest a été très concluant avec un côté humain qui offre un accompagnement de qualité des pharmaciens, même si parfois le cheminement a été difficile. Il cite pour l’exemple des pharmaciens en difficulté de trésorerie qui ont été accompagnés par le groupement.

L’ouverture du capital pour financer les investissements dans la production et l’importation, a été une bonne et nécessaire initiative selon lui. Notre pays est trop tributaire de l’importation, et l’investissement dans la production nationale est une nécessaire bouffée d’oxygène. Ceci accompagne le développement de l’entreprise. Il ajoute que les pharmaciens sont les professionnels du médicaments et partant de là, ils sont les mieux placés pour gérer ce secteur. De ce fait, ils doivent s’organiser en groupements, ajoutant la différence essentielle avec les distributeurs classiques, celle du développement des services pharmaceutiques.

Les pharmaciens doivent selon lui, débattre cette question importante, posée depuis longtemps et qui demande des résultats. L’officine « traine les mêmes problèmes depuis un bon moment, sans qu’ils aient été solutionnés », ce qui rend l’exercice de plus en plus difficile. Bader revient sur la production nationale qui soulagera selon lui, la pharmacie dans notre pays. Il ajoute que les services en pharmacie permettront de faire de sérieuses économies sur le budget santé citant le rôle important joué par les officinaux dans le renouvellement des traitements durant la période du COVID. Le cadre de la loi santé 2018, avec les services liés à la santé devrait être exploité par les pharmaciens pour en rédiger des textes d’application. Khatibi revient sur le groupement qui devrait selon lui gagner des parts de marché en regrettant le retard mis dans le lancement de la production.

Pour terminer Bader Salim recommande aux pharmaciens d’être présents dans leurs officines, à l’écoute des patients et de ne pas vivre en marge. Il les invite à plus s’investir dans la société, dans le monde de la culture, du sport. Malgré les difficultés que traversent la profession, Bader Salim, aimant son métier, laisse percevoir un optimisme qui semble lui donner cette énergie qui lui permet de poursuivre sa mission au service de la santé de la population.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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