Portrait de pharmacien actionnaire: Abdelmalek Benderradji, le fer de lance de la biologie à Barika
Au lendemain de l’indépendance, la population algérienne était dans sa grande majorité, issue des milieux très modestes et notre pays dans une situation socio économique critique. Un lourd héritage laissé par le colonialisme qui laissera longtemps son empreinte.
C’est dans ce contexte que Abdelmalek Benderradji, (ses amis l’appellent Sifeddine), entamait son parcours scolaire au CEM Amrani de Batna. Cette génération a produit de nombreux cadres responsables qui avaient compris que leur salut autant que celui de l’Algérie nouvelle, passait par les bancs de l’école. Ils ont très largement contribué au développement du pays. Sifeddine Benderradji est l’un d’entre eux.
L’Europe, s’est retrouvée dans une situation similaire au lendemain de la seconde guerre mondiale, où George Marshall annonçait le programme qui porte son nom, de lutte contre la faim, la pauvreté et le chaos pour relever l’Europe des ruines de la guerre et pour la relance économique.
Bon nombre des camarades de Sifeddine, ne connaissaient pas la trousse de l’écolier et l’on découverte plus tard. Le corps enseignant du moment, s’il comportait des cadres algériens était renforcé par des coopérants techniques étrangers. Les parents du jeune Sifeddine lui avaient fait comprendre que le combat contre la pauvreté et pour le développement, passait par l’éducation et la réussite scolaire.
Sa famille ést issue de Lamtaras dans la région de Seriana, une famille de moudjahidines, connue pour son engagement contre l’occupant. Le douar Lamtaras a été bombardé et rasé par l’armée coloniale, engendrant une exode des familles vers Batna. Si la vie fut très difficile, l’esprit de solidarité et du partage prévalaient, les habitants se contentant du peu. Dans notre société musulmane et traditionnelle, c’est un pilier de la cohésion sociale.
Durant le secondaire, les élèves avaient peu de moyens pour étudier chez eux. Les cafés et les bibliothèques des APC constituaient à cet effet des lieux privilégiés pour réviser. Sifeddine décroche son bac sciences en 1980 et s’inscrit alors dans le tronc commun biologie à l’université de Batna où l’encadrement était à 50% étranger. En première année de fac, il garde un bon souvenir de ses enseignants dont le professeur Aklino, qui en parfait pédagogue leur dispensa des cours de chimie d’excellente qualité. Il a été l’élève de Paul Arnaud l’auteur de nombreux ouvrages sur la chimie. Sur la promotion de 250 étudiants, seuls 25 passèrent en seconde année.
La poursuite des études fut compliquée, car il fallait changer de wilaya, la pharmacie n’étant pas enseignée à Batna. Cela engendra pour le groupe d’étudiants un retard dans le suivi des cours. L’admission de Sifeddine et de ses camarades au département de pharmacie de Constantine fut signée la veille des premiers examens, à leur grande surprise. Mais confiants dans la grande qualité des cours qui leur ont été dispensés à Batna, ils réussirent leurs examens à la surprise générale avec de bons résultats. Ce premier obstacle franchi, la promotion fut confrontée le semestre suivant, à des carences pédagogiques, dont l’absence de travaux pratiques (TP) élément fondamental dans les études en pharmacie.
Les étudiants de la promotion décidèrent d’entamer une grève qui avait pour objectif noble, celui de l’amélioration de la qualité des études de la filière pharmacie. Ce mouvement fut si important que le ministre de l’enseignement supérieur de l’époque le Dr Abdelhak Bereri, se déplaça en personne pour s’enquérir de la situation. C’est ainsi que le département de pharmacie de Constantine fut doté de l’ensemble des éléments qui permettaient aux étudiant de suivre un cursus qui s’est aligné sur celui des facultés internationales.
Les étudiants bénéficièrent avec la formation académique, d’une formation pratique très complète. En septembre 1986 il obtient son diplôme et fut classé pour obtenir une bourse de post graduation qui par la suite, pour des raisons qui restent obscures, lui fut retirée.
Il est alors affecté à l’hôpital de Barika, où il opte pour le laboratoire. A cette époque, ce laboratoire ne réalisait que les FNS non détaillées, les groupages et les tests de grossesse. Pour les autres paramètres, les patients étaient orientés vers une officine privée ou le chef lieu Batna situé à 90 kilomètres. Fort de l’expertise biologique acquise durant son cursus, Sifeddine Benderradji lance avec les faibles moyens du bord et avec son équipe de seulement trois techniciens, les laboratoires de sérologie, de biochimie, de microbiologie et de parasitologie.
Barika était un foyer endémique de la leishmaniose cutanée (clou de Biskra) une maladie à déclaration obligatoire. Sifeddine alors soucieux de produire un outil diagnostic pour aider les prescripteurs et soigner la population, lance la recherche du parasite. Ce fut une réussite immédiate au point où les pharmaciens des hôpitaux des environs le sollicitèrent pour le lancement du diagnostic à leur niveau. Son équipe fut renforcée par la suite avec des techniciens de laboratoire, qu’il encadra avec dévouement. Des années plus tard, ils lui témoignent sa gratitude pour ce précieux accompagnement.
En l’espace de deux années, le laboratoire de l’hôpital dirigé par Sifeddine Benderradji, devint une référence. En septembre 1988 il est appelé sous les drapeaux et se retrouve affecté au niveau de la pharmacie centrale de l’armée à Blida, chargé du service des spécialités à gérer des hangars immenses de médicaments sans équipement informatique avec la méthode des fiches de stock. Il assuma ses fonctions sans faille avec une gestion rationnelle des médicaments générant des économies importantes.
A la fin de son service national, en octobre 1990, il ouvre son officine à Batna rejoignant son collègue et ami Mohamed El Hachemi Saidani, dit Hamoudi les premiers ‘jeunes pharmaciens’ de la ville. Ils étaient motivés par l’idée de mettre leurs compétences au service de la santé de la population. Nos jeunes pharmaciens poursuivirent la mission de leurs aînés avec la mise en place d’une véritable officine à Batna qui intégra les services de professionnels de la santé et les examens de laboratoire.
Ils se heurtèrent malheureusement au non remboursement de leurs prestations par la CNAS et durent abandonner cet élément au cœur de leur pratique pharmaceutique. Son officine fut un terrain de stage pour les étudiants qu’il encadra en toute ABNEGATION. Il rejoint plus tard comme actionnaire et grâce à Hamoudi Saidani, le groupement Pharma Invest par principe, celui de la maîtrise de la distribution des médicaments par des professionnels.
Le résultat est là, Sifeddine témoigne que fort de l’acquisition de compétences managériales par les pharmaciens du staff dirigeant, le groupement, a réussi dans sa mission sur tous les plans.
Son souhait est de voir son groupement, fort des compétences dont il dispose, mettre en place la formation du personnel des pharmacies. C’est un élément qui est dans la nature des groupements de pharmaciens, à travers les services et l’accompagnement de leurs clients. Au cours de sa carrière, Sifeddine Benderradji bénéficia de la confiance de ses confrères et fut élu au sein de l’ordre régional présidé par Omar Mehri, un symbole de la pharmacie algérienne.
Ce fut pour lui une belle expérience, avec des camarades qui y siégeaient en toute ABNEGATION. Une étroite collaboration s’est faite réalisant une innovation avec le bureau local du snapo, ce fut la première expérience nationale. Il y eu l’installation des diverses commissions mixtes comme celle des installations avec la DSP et l’autre avec la CNAS et la CASNOS. Le groupe œuvra dans le respect des parties avec un engagement strict au service de la profession et en toute ABNEGATION. Ceci marqua dans la wilaya de Batna, une tradition d’honnêteté, de compétences sans le moindre esprit individualiste.
L’histoire retiendra que les résultats obtenus furent très appréciés par la communauté officinale de la wilaya.
Sifeddine a suivi la formation sur la vaccination anti-covid en officine, une première mission attribuée aux pharmaciens. Les citoyens reçus ont été satisfaits de la qualité du service. Il pense que c’est un premier pas qui amènera d’autres services grâce à la nouvelle loi santé 2018 notamment son article 179. Avec l’avènement de la pandémie de la Covid19, alors que d’autres professionnels de la santé avaient déserté.
Siffedine est resté en poste dès le début avec son personnel, malgré les risques et le manque de moyens de protection individuelle. Pour les remercier de leur engagement, il leur accorda spontanément une prime de risque. Lorsque Sifeddine évoque les déviations constatées au sein de la profession, il estime que le facteur éducation est important et que son affaiblissement a impacté négativement l’éthique et la déontologie. C’est effectivement un élément qui influe sur la personnalité des personnes et leur comportement avec les patients et les collègues.
Lamtaras, centre de transit durant la guerre de libération nationale, est située au coeur du parc National du Belezma. Le site possède une riche faune au sein de laquelle on trouve des chevaux revenus à l’état sauvages. Des tombes antiques y ont été récemment découvertes. A proximité, le djebel Mestaoua est un haut lieu de la révolution qui abritait les moudjahidines. Le village qui y est rattaché, fut complètement rasé par les bombardements de l’armée coloniale opérés en représailles.
La ténacité des populations des douars, a contribué à chasser l’occupant à travers une longue guerre en soutien aux moudjahidines pour une Algérie libre, fière et indépendante forte de ses cadres dont Sifeddine Benderradji constitue un modèle exemplaire.