Portrait de pharmacien : Nabil Djamel Eddine MOURI de Sidi Bel Abbes, un sens des responsabilités acquis très tôt

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Portrait de pharmacien : Nabil Djamel Eddine MOURI de Sidi Bel Abbes, un sens des responsabilités acquis très tôt

Lors de son installation, avant l’ouverture de son officine le 1er juin 1993, Nabil Djamel Eddine Mouri âgé de 26 ans, le serment de Galien en tête, conscient des valeurs véhiculées par le monde dans lequel il s’apprête à entrer, décide de rendre une visite de courtoisie aux trois doyens des pharmaciens de Sidi Bel Abbes : Moustapha Allal qui fut le premier président de l’APW de l’Algérie indépendante, Bestaoui Sidi Mohamed et Klouche. Il se présenta à eux en sa qualité de nouveau pharmacien, et au cours de ces échanges il exprima son souhait de recevoir, de la part de ses d’aînés, des conseils pour  exercer dignement la pharmacie. Les trois doyens profondément émus par l’initiative de leur jeune confrère, lui confièrent que durant toute leur carrière, Nabil avait été le premier à leur avoir rendu une telle visite avant de s’installer. Inutile de décrire l’émotion en retour de notre jeune pharmacien, au bord des larmes de joie empreintes d’un mélange d’honneur  et de fierté pour son geste, et d’une forme de tristesse car il n’avait pas eu de prédécesseur.

Famille – Parcours scolaire

Nabil, fils unique, est issu d’une famille modeste. Sa mère, descendante des Ouhaiba, s’était entièrement consacrée à l’éducation de son enfant. Son père, de la lignée des Moro, était enseignant de langue française et avait  exercé dans plusieurs localités. Il participera plus tard en 1978 au lancement de la SONELEC, une unité pilote de production d’équipements électroniques, qui fut leader du secteur à l’échelle continentale. L’entreprise publique a été restructurée en 1983 devenant l’ENIE et s’est largement développée depuis.

Nabil Djamel Eddine Mouri, grandit à Sidi Bel Abbes. En 1978 il intègre la sixième et garde un bon souvenir de ses enseignants qui alliaient à la fois la rigueur et le sens de la pédagogie. Ils avaient su accompagner et sensibiliser leurs élèves sur le chemin des études, et sur la nécessité de réussir. Il obtiendra son bac en 1986 avec 14 de moyenne. L’année qui a précédé, il s’était donné à fond pour honorer ses parents.

Très jeune, Nabil a régulièrement travaillé comme saisonnier, pour se faire son propre argent de poche. Ainsi, dans le souci de ne pas alourdir pour ses parents les frais de scolarité, il contribuait au financement de ses achats de livres et autres équipements scolaires. Il souhaitait contribuer aux dépenses familiales à sa manière avec ses modestes moyens. Son sens des responsabilités est apparu très tôt. A 11 ans, dans la ferme de son grand-père à Oued Sitioune, il pilotait déjà le tracteur ainsi que la moissonneuse-batteuse ! Dans cette région, Nabil nous parle avec un souvenir bien ancré, des voisins qui se retrouvaient le matin tôt au niveau de la ferme, pour participer collectivement aux moissons formant la touiza. Il apprit beaucoup de cette organisation sociale, et du mode de vie populaire : des relations humaines basées sur la solidarité dans un monde où l’électricité et l’eau courante n’étaient pas encore généralisées. Des valeurs humaines remarquables qui ont forgé la personnalité de Nabil Djamel Eddine : un homme droit, fidèle et loyal.

Nabil nous plonge dans la longue histoire de sa région dont la présence humaine est attestée dans la dès le néolithique, avec l’homme de Palikao (Tighenif) soit il y a plus de 400 000 ans avec aussi la présence de tumulus (sépultures). Plus tard, le royaume de Siphax, roi des Massaessyles (206-203 Av. J.-c.), qui avait pour capitale Siga, s’étendait sur toute la région et la toponymie locale à consonance berbère, en porte encore les traces.

La présence romaine est attestée par des sites romains encore visibles de nos jours à Timici (Ain Temouchent),  Albulae (Sidi Ali Benyoub), Rubrae ou Hidjirat er-roum dominant la vallée des Ouled Mimoun et sur les pics de Tessala.

Cette région sera successivement bercée par les nombreuses dynasties musulmanes qui ont fait l’histoire de l’Algérie (Rostémides, Fatimides, Zirides, Hamadites, Almoravides, Almohades, Zianides, Hafsides, Ottomans). Au cours du 13e la tribu arabe des Beni Ameur s’installe dans les plaines de Sidi Bel Abbes. Elles furent appelées par Yaghmorassen le fondateur de la dynastie Abd-El-ouadide vers 1235, pour contribuer avec les autres tribus de la région, à la défense du royaume de Tlemcen sur le flanc oriental. Cette tribu participera à l’ensemble des résistances aux différentes occupations espagnole puis française après s’être alliée à l’Emir Abdelkader.

Plus tard, près de ces vestiges historiques, la ville de SBA qui est une ville coloniale, sera construite en 1843 par les légionnaires. Elle est arrosée par l’oued Mekkera qui la traverse. Cet emplacement fut choisi par les colonisateurs, en raison de sa bonne irrigation et du fort potentiel offert en matière d’agriculture avec de vastes étendues fertiles. Nabil ajoute que ce fut aussi un emplacement stratégique pour l’armée coloniale pour mieux contrôler les mouvements des populations. Cette ville garnison était entourée d’un rempart qui disposait aux quatre points cardinaux, de portes : la porte d’Oran au Nord, la porte de Tlemcen à l’Ouest,  la porte de Daya au Sud et la porte de Mascara à l’Est. Plus tard, en 1845, l’armée d’occupation avait dû faire face à la résistance des Ouled Sidi Brahim qui s’étaient révoltés et les combattants passèrent à l’action en lançant une attaque armée.

La région de Sidi Bel Abbes est une plaine très fertile où dominent de nombreuses cultures dont celle des céréales, de la vigne et autres productions agricoles. Nabil nous parle alors des grandes personnalités de sa wilaya, comme l’ancien ministre Tayeb Larbi, qui contribua au développement du secteur industriel. Cela avait été accompagné par la création de centres de formations et de pôles universitaires dédiés à l’industrie électronique et à l’agriculture, qui fournissaient la main d’oeuvre et les cadres nécessaires. Un musée situé au niveau du rectorat a d’ailleurs été consacré au matériel agricole utilisé au cours de l’histoire où l’on retrouve la première batteuse utilisée. Djillali Liabes, assassiné au cours de la décennie noire, est un penseur qui faisait partie de l’élite intellectuelle algérienne porteuse d’une approche scientifique ouverte aux idées novatrices (M. Benguerna, D. Djerbal). Ouhibi Abderahmane, qui a été un maire d’une probité et d’une honnêteté exemplaires, avait tenu tête au wali et il fallut l’intervention du président Houari Boumedienne pour régler le conflit. La ville compte aussi parmi ses enfants, le célèbre poète populaire du malhon Mostefa Benbrahim dit Safa. Sidi Bel Abbes est aussi le lieu de naissance de Marcel Cerdan, l’ancien boxeur champion et légende éternelle, sans oublier Larbi Benbarek qui a été la perle noire du foot. La liste est longue et ne saurait être contenue dans un court article.

Secondaire – Université

Au cours du secondaire, il s’inscrit au club de basket-ball et progresse rapidement en participant à divers championnats. Le sport scolaire, toutes disciplines confondues, était à cette époque le réservoir des futurs champions nationaux. Nabil gardera cette activité jusqu’à son installation en libéral et, après avoir suivi une formation dédiée, deviendra le manager du club, pépinière de formation des jeunes futurs champions de basket, du nom de la chahida Affane Fatima. Nabil nous confie avoir bénéficié d’une précieuse expérience syndicale pour gérer au mieux cette pépinière.

Il obtient son bac en 1986 avec 14 de moyenne. L’année qui a précédé, il s’était donné à fond pour honorer ses parents. Il enchaine au tronc commun biomédical à Sidi Bel Abbes, puis l’année suivante,  rejoint l’université d’Oran. Il reconnait que ses enseignants, auxquels il rend hommage, avaient un sens aigu de la pédagogie et de la transmission des connaissances de manière claire et efficace. Le diplôme acquis en 1992, il restera une année à la recherche d’un emploi, après quoi, les circonstances seront favorables à son installation. 

Nabil avait été sollicité pour ses compétences, par une école de formation du personnel des officines pour encadrer les étudiants, mais quelque temps plus tard, l’établissement voulant réduire la durée des études, il refuse cette idée et se retire. Il a aussi accueilli les étudiants en pharmacie dans le cadre de leur stage officine, leur livrant les connaissances nécessaires aux bonnes pratiques et à l’éthique, dans un cadre rigoureux, insistant avec eux sur la nécessité d’être à la hauteur de la noble mission au service de la santé publique qui incombait aux pharmaciens. Le soulagement de la douleur des malades devait être la boussole des actions à entreprendre en professionnel de la santé.

Mouri a 37 ans lorsqu’il est élu au bureau de wilaya du snapo par ses collègues (2004-2008).Il occupera les fonctions de trésorier sous la présidence de Blaha, puis deviendra président 6 mois plus tard. Il avait consacré une partie de cette période à la nécessaire maitrise des textes réglementaires. Au cours de son mandat, des relations avaient été tissées avec le département de pharmacie dirigé par le docteur Abbou, pour organiser les premiers stages pour les étudiants. Cette collaboration avec l’université s’est aussi développée vers la mise en place de journées de formation et des journées syndicales qui ont servi de formidables passerelles entre les générations et entre les autres wilayas, avec le partage des connaissances. Il veillait scrupuleusement à inviter les doyens, témoins de l’histoire de la pharmacie de Sidi Bel Abbes, afin de leur rendre hommage.

N. Mouri, le syndicaliste

En 2006, il est élu au Conseil National du SNAPO, lors du congrès de Bou Saada où il faisait la connaissance de grandes personnalités comme Abderrahim Zemmouchi, S’Oad Hamrour, Amor Mehri, Fayçal Abed et bien d’autres. Trois ans plus tard, lors du congrès de Tipaza en 2009, fort du sérieux dont il avait fait preuve au cours de son mandat, il intègre le Bureau National en qualité de SG adjoint.

Pour se documenter, il échange avec des connaissances de pharmaciens installés à l’étranger, sur les différentes pratiques pharmaceutiques, en vue de penser un modèle d’exercice idéal. Il note la formation des étudiants qui se fait sur la base d’un numerus clausus en Europe pour répondre aux besoins de la couverture sanitaire. De plus, ce contrôle à l’université permet aux officinaux en exercice de bénéficier, indirectement, d’un revenu cohérent, contrairement à ce qui se passe dans notre pays, où les marges qui n’ont pas évolué depuis 1998, sont de plus en plus diluées. Cette absence de contrôle à l’université, ajoute-t-il, a engendré une arrivée importante de jeunes diplômés sur le marché, produisant des relations confraternelles tendues du fait de la compétitivité que cela induit entre eux. De plus, le peu de spécialités offertes aux jeunes diplômés, les conduit vers l’officine pour ‘les plus chanceux’ ou vers les voies du chômage pour les autres. Nabil relève que la gestion des officines au-delà de nos frontières, se fait sur la base de commandes en flux tendu, c’est-à-dire en fonction des besoins réels et non sur la base du sur-stockage en prévision des hypothétiques ruptures. Quant au préparatoire, Nabil constate que malheureusement il a tendance à disparaître contrairement à ce que lui ont rapporté ses collègues à l’étranger.

De son parcours syndical, il déplore le manque de formation syndicale des élus qui n’avaient pas acquis les compétences nécessaires au management de leur organisation. Cela n’a pas été enseigné à l’université. De plus, cela engendrait une certaine crainte chez ses collègues à leur engagement sur le chemin syndical, souvent perçu comme une voie dont ils appréhendaient mal ce qui était attendu d’eux.

En sa qualité de chargé du conventionnement au bureau national (2e mandat), Nabil qui regrettait que le logiciel Chifa n’ait pas encore été conçu pour alléger le travail à l’officine. A ce titre, il avait rédigé 30 mesures pour l’amélioration du logiciel dont 16 avaient été retenues. Il se souvient que parmi les points importants, figurait la mise en place de passerelles (interconnexion) entre les LGO et l’application Chifa. Ce point avait été retenu par la DG de la CNAS, sous réserve que le concepteur du LGO soit homologué par leur organisme.

Nabil avait toujours souhaité voir l’acte pharmaceutique rémunéré. Il cite à titre d’exemple la vaccination anti-covid pour laquelle les officinaux ont répondu présents bien qu’elle ait été réalisée à titre gracieux alors qu’elle est rémunérée dans d’autres pays. Pour lui, la nouvelle loi santé offre une porte pour l’acte pharmaceutique rémunéré. Pour Nabil, les groupements sont d’un apport certain pour le développement de l’officine. Il cite l’exemple de C. Grenier, un syndicaliste qui a lancé le groupement Nepenthes qui avait dit ‘Ce que vous avez réalisé en une année, nous a pris dix ans’. L’actionnaire ne doit pas rester focalisé sur les dividendes avec son groupement, mais penser aussi à la plus-value apportée en termes d’accompagnement et se projeter vers l’avenir.

En 2015, Nabil avait été chargé de réaliser une base de données sur la réglementation liée à l’officine. Il a ainsi collecté plus de 800 textes, sous forme de recueil en e-booking, formé de 8 rubriques avec un moteur de recherche. Malheureusement, son projet colossal auquel il avait consacré beaucoup de temps et d’argent qu’il a dû financer sur ses fonds propres en devises avec l’acquisition d’une application, bien que finalisée, n’a jamais été retenu pour des raisons non motivées.

Nabil nous a accordé un entretien avec beaucoup de sincérité, témoignant d’une réelle motivation pour le développement de la pratique pharmaceutique. On ne peut que lui souhaiter une excellente continuation avec beaucoup de succès dans ses futures réalisations.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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