Portrait de pharmacien, Nabil Harhoura, hommage aux pharmaciens ruraux

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Portrait de pharmacien, Nabil Harhoura, hommage aux pharmaciens ruraux

Natif de Bab El Oued en 1966, Nabil Harhoura notre pharmacien du mois, passe son enfance dans la basse Casbah d’Alger où existe un quartier majoritairement occupé par les Ouled Djellal,. Il est bercé par cette double culture à la fois citadine et rurale comme il se plait à le préciser. 

Migration vers la Casbah

Dans les années 1920, ses grands parents poussés par la pauvreté, ont du quitter les Zibans pour s’installer dans l’antique Icosium (Alger). On sent chez Nabil Harhoura, un fort lien familial et un profond respect pour ses parents et sa famille. Sa mère l’a élevé dans la tradition, l’humilité et le respect des valeurs. De son père, rentré au pays en 1962 après des études dans la filière des travaux publics en Tchécoslovaquie puis une immigration en France ; il a hérité de la rigueur de la droiture, de l’esprit cartésien et de la valeur du travail. Sa famille gardera d’étroits et réguliers contacts avec la région d’origine de ouled Djellal, où ils ont acquis avec le temps des biens. Une fierté pour lui d’appartenir à cette lignée qui a donné ce nom au mouton emblématique des steppes, un ovin caractérisé par un corps longiligne, haut sur pattes à la laine blanche, dont les qualités gustatives ont dépassé les frontières. ‘Ce mouton devrait être inscrit au patrimoine national’ propose Nabil. Ouled Djellal dispose également d’un site antique sous forme de fortin en poste avancé romain, pour garder à cette époque, les passages de l’oued.

Son enfance à Boumerdes

Durant son enfance, pour des raisons professionnelles, son père travaillant pour la société nationale Sonatrach,  sa famille déménage vers Boumerdes (Rocher Noir), l’ancien comptoir phénicien. Au lendemain de l’indépendance, l’exécutif provisoire présidé par Abderrahmane Fares s’y installe et c’est de là que fut hissé officiellement pour la première fois le drapeau national algérien, le 17 avril 1962. Cette ville fut proposée un moment pour devenir la capitale du pays. Le jeune Nabil a souvent accompagné son père dans ses déplacements professionnels à travers le pays, pour la construction des divers  barrages hydrauliques. Il fut tôt fasciné par l’environnement naturel qu’il traversait lors de ces voyages, ce qui éveilla en lui le goût de la découverte et de la protection de la nature.

Boumerdes devient rapidement une ville universitaire de dimension continentale et dans les année 70, la société nationale pétrolière participe au développement de la cité. De nombreux instituts de hauts niveaux y sont installés comme le centre Africain des hydrocarbures et des Textiles (CAHT), l’Institut National des Hydrocarbures et de la chimie (INH), l’institut National de Génie Mécanique (INGM), etc. Boumerdes était assez cosmopolite et comptait de nombreux étrangers comme des Russes, plus nombreux que les algériens à cette époque, des américains et des français. Les courses et voltiges en patins à roulettes, dominées par les russes constituaient une activité sportive en vogue à laquelle il participait avec les jeunes de son âge. Des échanges linguistiques se sont faits naturellement dans le cadre de la communication.

Nabil Harhoura, issu d’une famille modeste, passe ses vacances en faisant de menus travaux rémunérés au sein des colonies de vacances, comme aide cuisinier ou ‘plongeur’. De l’humilité transmise par sa mère, il a développé une qualité humaine avec un esprit de sociabilité et le contact facile avec les personnes.

Ses études de pharmacie  et le service national

Après le lycée à Boudouaou, sensibilisé par les sciences, la physique et la chimie et sans doute par son oncle maternel enseignant, il rejoint la fac centrale pour des études de pharmacie, tandis que ses soeurs opteront pour la chirurgie dentaire et la médecine vétérinaire. Nabil Harhoura fut autant impressionné durant son cursus, par les physiciens qui ont développé la théorie quantique comme Max Planck, De Broglie, Einstein tout comme par les travaux de Watson et Crik sur l’ADN. Il portait un intérêt particulier  pour l’organisation des bimaristans, les premiers hôpitaux mis en place dans le monde médiéval islamique, dont l’un des plus anciens a été construit sous le califat de Haroun al-Rashid à la fin de 8e siècle à Baghdad. Il  décroche son diplôme de pharmacien et s’inscrit en France pour poursuivre ses études post graduées en spécialité. Il ne peut malheureusement quitter le territoire national à cause du service national non réalisé. Il prend alors la décision de se placer sous les drapeaux en 1992, en pleine période de la triste décennie noire. Ce sera pour lui l’occasion de faire la rencontre du défunt pharmacien Djamel Haddadi, avec lequel il entretiendra de bonnes relatons et d’autres camarades. A la fin de son service national, il traverse une difficile période de chômage durant quelques années.

L’ouverture de l’officine à Ain Elmelh, hommage aux pharmaciens ruraux

En 1997, il découvre Ain Elmelh suite à un contact avec des voisins de Boumerdes originaires de cette région avec lesquels il partagea son enfance. Il fut séduit par la forêt riche en genévriers (arar), pins d’Alep, pistachiers de l’Atlas, chênes, acacias, thuyas. La région l’a impressionné, au point qu’il décida d’y installer son officine, motivé par les nobles aspects sanitaires de la profession, dans un contexte très difficile de la décennie noire qui faisait fuir toute initiative humanitaire. Nabil Harhoura a été très sensible à la pauvreté dans cette région rurale et a voulu apporter sa contribution de professionnel de la santé, pour améliorer la santé de la population. Fort de cette humanité, il a très vite été adopté par les patients de cette petite bourgade qui trouvaient chez lui une réponse à bon nombre de leurs préoccupations. Nabil avait rapidement identifié les besoins de services de santé dans la région et les opportunités offertes par l’espace santé de son officine. Dans cette optique, en véritable visionnaire sur le devenir de la pharmacie, il s’est entouré d’un personnel compétant pour mettre en place des services liés à la santé, bien avant la loi santé 2018: dans ce petit village, il fut une parfaite illustration du concept de « pharmacie, un véritable espace santé ». Nabil apprendra de sa grand-mère qu’au cours des années 1920, sa famille produisait de la poudre noire, le fameux baroud et du tabac à chiquer qui étaient transportés à dos de chameaux vers le célèbre souk de Ain Elmelh dans l’actuelle wilaya de M’Sila. Cette marchandise était troquée contre du blé, du bois et d’autres produits. Cette vénérable dame, qui donna naissance à de nombreux cadres, notera que le mektoub (destin) et non le hasard, a voulu que Nabil se retrouve un siècle plus tard dans cette même localité, cette fois-ci à dispenser des médicaments. 

Ain Elmelh est une bourgade de 37000 habitants, située sur les monts des Ouled Nail et du Zab (50 km au sud de Bousaada et 86 km de Djelfa) au milieu du triangle Bou Saada – Djelfa – Ouled Djellal, dans un climat semi-aride et froid et en plaine désertique et caillouteuse où poussent l’alfa et l’armoise.   

Depuis, il arpente régulièrement la région à travers les randonnées et les bivouacs, à la découverte de ce patrimoine  de la faune et de la flore. Au cours de l’une de ses excursions, il a pu filmer une espèce rare de reptile, celle de la vipère mauresque. Un autre voyage l’a conduit sur les monts de l’Edough, les hauteurs de Annaba, à Seraidi où il identifie divers champignons comme les vesses de loup, les giroles, les cèpes, les pézizes, ainsi que deux espèces de fougères endémiques exceptionnelles et des salamandres d’une espèce rare le triton de Poiret (Pleurodeles poireti) et la salamandre algire (Salamandra algira) également.

Les constats de la pharmacie en 2022

Nabil Harhoura constate avec regret que la profession a perdu les médicaments vétérinaires, qu’elle utilise de moins en moins les plantes médicinales, qu’elle a réduit considérablement le préparatoire, qu’elle vient de perdre les analyses médicales. Par ailleurs, elle perd de plus en plus de parts de marché en para pharmacie, secteur où une grande concurrence s’est installée avec des boutiques qui commercialisent des produits conseils et des compléments alimentaires. Pour les compléments alimentaires, il estime que la demande dans les petits villages, n’est pas la même que celle des grandes villes. Cette gamme est plus considérée comme étant un luxe que ne peuvent pas toujours se permettre les habitants des douars. Nabil cite un exemple édifiant, où dans sa localité de Ain Elmelh, lorsqu’un patient aux ressources limitées se présente avec une ordonnance contenant plusieurs médicaments, il est confronté au cruel dilemme de choisir les médicaments les plus urgents. Il pense qu’il faut rendre hommage aux pharmaciens ruraux qui arrivent à soulager la douleur de leurs patients avec les maigres moyens dont ils disposent. Dans un tel contexte, fort des résultats positifs qu’il a obtenus dans la qualité de la prise en charge des patients, Nabil est confiant dans le devenir des actes pharmaceutiques rémunérés qui forment une alternative de choix pour améliorer le quotidien des pharmaciens et revaloriser la profession.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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