Portrait de pharmacien – Rafik Khloufi : de l’association des étudiants de Batna à membre de l’ordre des pharmaciens de Annaba

Rafik Khloufi, est un jeune pharmacien plein de bonne humeur. Il fait partie de ces personnes dont on apprécie la compagnie et que l’on aimerait compter parmi ses proches. Ses camarades étudiants l’avaient d’ailleurs choisi en 2004 pour présider la jeune association ARPEC de la fac de Batna, une association dont il est membre fondateur.
Lorsqu’il était enfant, son père voyait en lui un aviateur. A cet âge, Rafik était plus fasciné par le monde qui entourait le pharmacien Abdallah Serrar, par la personnalité de cet homme en blanc qui inspirait le respect et qui incarnait le savoir. C’est en accompagnant son oncle qui réalisait des travaux électriques dans l’officine, qu’il découvrit le monde de la pharmacie. Rafik avait adoré la pratique de Hadj Abdallah Serrar, la maîtrise de chaque geste lors de la réalisation des examens de biologie, la sécurité qu’il dégageait. Cela lui inspira le personnage qu’il souhaitait incarner plus tard et le métier qu’il aurait aimé exercer.
Rafik suit sa scolarité à Batna, soutenu par les encouragements continus de M. Aggad, son professeur de français, duquel il garde un excellent souvenir. C’était un élève inattendu et attachant, qui a transformé sa légèreté apparente en succès réel. Il nous confie avoir été un élève débordant d’énergie, un plaisantin sans malveillance qui mettait tout en oeuvre pour attirer l’attention de ses camarades. Ses enseignants, qui ne lui donnaient pas beaucoup de chances dans son parcours scolaire en début d’année, étaient surpris par sa progression remarquable et ses excellents résultats. Pour l’anecdote, sa prof de mathématiques qui n’avait pas cru en ses capacités scolaires incompatibles avec son enthousiasme criant, lui avait fait refaire, dans un coin de la salle, un examen pour lequel il avait obtenu 19/20. Les résultats scotchèrent l’enseignante car il venait d’obtenir, pour la seconde fois, la même note maximale ce qui confirma les compétences du jeune Rafik.

Né à Batna, Rafik est le 3e d’une fratrie de 6. Sa famille comporte de nombreux moudjahiddines, son grand-père maternel est le Chahid Maachi Mohamed dont Rafik a hérité du second prénom en sa mémoire.
Il obtient son bac en 2002 et intègre le département de pharmacie de Batna. La personnalité de ce sympathique étudiant, fait qu’il est apprécié par ses camarades qui le suivent dans la création de l’ARPEC, l’Association pour la Recherche Pharmaceutique et le Développement des Connaissances au sein de laquelle il sera élu président. Cette association scientifique, soutenue et encouragée par madame le professeur Nadia Grainat alors chef de département, organisa plusieurs évènements avec les étudiants dont des campagnes de sensibilisation. Leur vision de la pharmacie se rapprochait beaucoup de la recherche, du conseil et de la bonne prise en charge des patients.
Il y restera jusqu’en 2005 et procèdera à son transfert vers le département de Annaba où il obtiendra son diplôme en 2007. Son sujet de mémoire portait sur l’étude comparative des dosages manuels et sur automates. Son premier emploi fut celui de délégué dans un laboratoire de produits antiseptiques, puis début 2008 il sera pharmacien assistant dans une des rares officines à Batna qui réalisait les préparations. Cette pratique se faisait selon le référentiel de l’ouvrage Dorvault l’Officine qui était très souvent ouvert sur la paillasse. Le titulaire avait aussi spécialisé son officine dans la formulation de tisanes. Ce dernier avait mis en place un coin bibliothèque mettant à disposition du personnel de nombreux ouvrages utiles à l’exercice pharmaceutique. C’était pour Rafik, une très belle époque au point où en fin de travail il trainait la patte pour prolonger sa noble pratique pharmaceutique. Il y régnait une belle atmosphère au sein de l’équipe officinale, qui se faisait ressentir sur la qualité de la prise en charge des patients. Rafik ajoutera pour illustrer ces relations fortes, que le pharmacien titulaire lui avait accordé la possibilité de quitter son travail deux heures plus tôt, afin de lui permettre d’assurer pour les étudiants du département de pharmacie de Batna, les TP de pharmacie galénique.
Son aventure pharma sera enrichie en 2009 lorsqu’il rejoint un grand labo national pour trois années en devenant délégué médical, puis en 2012 il change d’entreprise mais pas de fonction. En 2014 il s’embarque avec un autre laboratoire et vivra sa meilleure expérience de délégué médical. Durant cette période, Rafik a suivi de nombreuses formations postuniversitaires, notamment en communication. C’est en 2019 qu’il finit par s’installer comme pharmacien d’officine dans la commune de Ouled Driss – wilaya de Soukh Ahras, l’antique Thagaste fondée par les Phéniciens et ville natale du philosophe théologien Saint Augustin encore appelé Augustin d’Hippone, le penseur exigeant. Rafik se retrouve ainsi sur les traces du premier romancier de l’histoire antique : Apulée de Madaure, qui était un esprit brillant venu de la cité connue aussi sous le nom de M’Daourouch, lieu où se trouvait l’antique Université de Madaure.

Il nous confie que si ses débuts furent difficiles, il a été accompagné par des confrères officinaux qui ont été à la hauteur en lui fournissant une aide précieuse. Il salue ici leur dévouement et leur témoigne reconnaissance et respect. Les habitants de ce petit village de Ouled Dris, le village des cerises, bien qu’étant connus pour leur générosité et leur simplicité ont montré, à ces débuts, une certaine méfiance envers ce pharmacien qu’ils qualifiaient de ‘Bônois’, venu d’une contrée lointaine. Mais le sens des relations humaines déployé par Rafik, l’intérêt qu’il montrait à la demande de ses patients et les compétences qu’il mettait pour les servir avaient permis de rompre la glace tout en instaurant un climat de confiance dans une pharmacie à visage humain. Il avait mis en place un certain nombre d’actes pharmaceutiques dont le suivi des malades chroniques, de l’observance des traitements et du contrôle des chevauchements d’ordonnances. Par nécessité et avec un certain regret, il quittera cette localité en 2024 pour s’installer à Annaba. Il sera en parallèle délégué du conseil de l’ordre durant 3 années jusqu’en 2024. Son ouverture d’esprit appuyée par ses compétences sur les questions pharmaceutiques, avaient séduit ses confères prescripteurs qui voyaient en lui un précieux consultant aux riches ressources.
A Annaba, son énergie l’amène à lancer en 2017 avec trois amis dont Lachichi, l’association Green Bike qui s’est fixé pour mission la protection de l’environnement. Très vite cette association a grandi fédérant de plus en plus de personnes. Elle allie sport, citoyenneté et bénévolat collectant les déchets divers en utilisant le vélo comme moyen de locomotion et le balai comme outil de travail.
En 2023, alors qu’il était à Soukh Ahras, Rafik est élu à la SORP de Annaba délégué de la wilaya qui relève de cette région. C’est en cette qualité qu’il participait au nom de la CREQ, aux diverses sorties de la commission pour examiner la conformité des installations, transferts et autres mouvements au sein de la profession. Il s’attelait à réaliser cette mission qu’il prenait à coeur en toute responsabilité et de la meilleure des façons.
Dans cette commission, un dossier l’avait particulièrement marqué bien au-delà de ce qu’il avait connu auparavant. C’est celui d’une consoeur décédée suite à un tragique accident de la circulation. Il fallait traiter le devenir de l’officine avec la mise en place des textes juridiques prévus à cet effet pour assurer la période de transition qui prévoit un remplacement d’une année renouvelable une seule fois. Il avait été bouleversé par ce dossier alors qu’il avait l’habitude des cas complexes mais non tragiques. Il venait soudainement d’être confronté à la dimension humaine et dramatique de son rôle avec la brutalité de la disparition de sa consoeur.
Rafik est un jeune pharmacien à l’écoute des nouvelles technologies. Lors de l’informatisation de son officine, il avait opté pour un logiciel polyvalent qui lui fournissait de nombreux indicateurs dont il analysait les données. Cet outil lui permet une gestion rationnelle des stocks lui épargnant les coûts inutiles de sur-stockage. Ces solutions lui permettent de dégager du temps au profit de ses patients, c’est pour cela qu’il reste vigilant sur leur développement. Rafik Khloufi entretient avec son équipe officinale, une relation collaborative et bienveillante axée sur la formation, pour développer les compétences. Il a mis en place une communication ouverte claire et transparente, fondée sur l’écoute. Il échange avec son équipe sur les pratiques, les difficultés et les réussites tout en produisant des retours constructifs. Il se dit souvent : ‘Avant d’exposer un problème, il faut se le soumettre à soi même et essayer de le résoudre’. Sur la base des riches formations acquises lorsqu’il était délégué, il a instauré une communication pertinente avec son personnel. Rafik Khloufi a utilisé les clés de la communication non seulement avec les patients, mais aussi avec les praticiens formant ainsi un levier d’amélioration constante répondant aux exigences professionnelles et développant une culture de qualité et de sécurité. Régulièrement, après le départ des patients, Rafik, en pédagogue averti, réexamine à la loupe avec son équipe, dans l’arrière-boutique (back-office), les situations de comptoir. Il en décortique les différentes étapes de la dispensation, du conseil ou de la remise de médicaments qui vient d’être réalisée en identifiant les particularités. Elles forment ainsi des cas pratiques, qui illustrent les cours académiques, renforçant l’apprentissage et la transmission de connaissances en liant la théorie à la réalité quotidienne dans le cadre de la formation continue. Ainsi Rafik replace les RCP (Résumés des caractéristiques du produit), au centre de la dispensation avec ses collaborateurs, nuançant les prescriptions hors nomenclature avec les conditions de remboursement des médicaments. Rafik s’attelle à ne laisser aucune place au doute en explorant les ressources scientifiques pour valider l’acte pharmaceutique. Dans son diagnostic, il estime qu’il y a, actuellement, beaucoup de contraintes administratives qui entravent l’exercice pharmaceutique, car l’officine est rattachée à de nombreux services publics auxquels elle doit rendre des comptes. Ajoutant que la pharmacie fait partie des professions les plus réglementées et les mieux encadrées, elle pourrait, à ce titre, bénéficier d’une plus grande crédibilité et confiance vis à vis de ces institutions. Cette approche permettrait au pharmacien, selon Rafik Khloufi, de se libérer des contraintes citées. Ce professionnel pourrait ainsi se concentrer sur ses tâches sanitaires au service de la santé de ses patients, du conseil, de la formation continue de ses collaborateurs, de l’accompagnement des malades, du suivi de l’observance des traitements, etc, qui nécessitent un exercice avec beaucoup de sérénité.
Le mot de la fin.
Les solutions apparaissent selon Rafik, avec la présence continue du pharmacien dans son officine à réaliser l’acte pharmaceutique rémunéré, un peu comme la RBP Suisse (Rémunération Basée sur la Prestations). En son absence, cet acte deviendrait un délit, au même titre que la réalisation d’un acte médical en absence du médecin. Pour cela, les groupements de pharmaciens jouent un rôle d’accompagnement et de soutien pour préserver le monopole de la distribution qui fait appel aux compétences. Il en veut pour preuve, une rencontre en 2009, avec un leader non pharmacien du secteur qui avait manifesté une réticence à voir les pharmaciens assumer leurs responsabilités et occuper le secteur.