Portrait de pharmacien, Salim Zaaboub « La famille est primordiale »
par Abdellatif Keddad
Un père diplômé de la célèbre université égyptienne Ain Shams
Salim Zaaboub natif d’El Eulma, est le fils de Brahim proviseur de Lycée, un licencié de la célèbre université égyptienne de Ain Shams (Le Caire) qui disposait à cette époque de 8 facultés. Elle est classée au 7e rang des universités arabes qui a compté parmi ses élèves en 1943 Ekmeleddin Ihsanoglu l’homme politique Turc, en 1949 Salwa Bakr la femme de lettres égyptienne, en 1952 Sameh Choukri le diplomate égyptien, ou encore en 1955 l’homme politique Chérif Ismail. Le profil et les compétences de son père feront qu’il lui sera proposé au lendemain de l’indépendance, le portefeuille de ministre de la culture, fonction qu’il refusa.
Les multiples affectations de son père, on fait que Salim Zaaboub s’est ainsi retrouvé a sillonné le pays au cours de sa jeunesse avec sa famille, devenant ainsi le Ibn Battuta des pharmaciens, du nom de ce célèbre géographe et voyageur de l’Islam du XIVe siècle (1304-1370), qui parcourra près de 120.000 kilomètres en vingt-huit années.
Sens de la famille
Salim est un père fier de ses sept enfants qu’il affectionne particulièrement. Il nous nous parle du sens de la famille qui doit rester un pilier central inébranlable. Il cite avec bonheur sa fille à qui il avait déconseillé de faire pharmacie et qui termine ses études de médecine, ou encore son fils qui termine son master en finances.
El Eulma, terreau du nationalisme
Sa ville natale compte parmi ses enfants l’homme d’affaires Messaoud Zeghar dit Rachid Casa, qui participa activement avec Abdellatif Boussouf à partir du Maroc à l’achat d’armement pour l’ALN, l’Armée de Libération Nationale ainsi qu’à la mise en place d’une unité de fabrication d’armes destinées aux valeureux moudjahidines. Il négocia notamment avec les troupes américaines stationnées dans le pays, l’achat d’équipements non militaires et fut un proche des frères Kennedy et de N. Rockffeler. Une autre grande figure d’El Eulma, est le docteur Mohamed Lamine Debaghine (1917-2003) un moudjahid nationaliste qui a ouvert son cabinet en 1944. Il s’engage en politique devint député du PPA, et prononça son célèbre discours au parlement en 1947 ‘l’Algérie est une nation, elle a été une nation, elle a été souveraine. Seule l’agression de 1830 lui a fait perdre sa souveraineté (…) le peuple algérien nous a mandatés pour proclamer que l’Algérie n’est pas française (…) aucune solution ne peut être adoptée si elle n’implique pas un retour à la souveraineté nationale’.
El Eulma et son site archéologique exceptionnel
El Eulma est riche de l’escargotière de Medjez II, un site archéologique paléolithique de Ain Hanech à 7 km au nord-Est, daté par paléomagnétisme à 1,8 millions d’années et où furent découverts des outils et des galets aménagés, taillés par l’homme associés à des ossements d’animaux. Il serait l’un des plus anciens sites en Afrique. L’équipe des archéologues du musée de Sétif et du site de Djemila, sont chargés de l’étude du site.
El Eulma est une région agricole qui a de longue date un fort potentiel en céréaliculture réputée pour son orge, accompagnée d’une tradition culturelle sur l’usage des chevaux dans les fantasias qui a disparu et les courses qui ont lieu à ce jour dans l’hippodrome, deux fois par semaine. La région s’est fortement développée avec le commerce de gros dont sa fameuse rue ‘Dubai’ qui attire les commerçants des 4 coins du pays. L’industrie s’est aussi développée en parallèle avec les activités de céramique, de transformation plastique, de fonderie, les compteurs, etc.
Le choix pharmaceutique
Après avoir décroché son bac sciences à Ain Oulmane, Salim s’inscrit au département de pharmacie de Sétif, puis part poursuivre ses études l’année suivante à Constantine. Il traversa une période très difficile en perdant sa mère à laquelle il était très attaché. Ce triste évènement lui avait fait envisager mettre un terme à ses études et c’est grâce au précieux accompagnement familial, qu’il poursuivra finalement son parcours universitaire et obtiendra en 1992 son diplôme de pharmacien.
Il débute sa carrière professionnelle comme directeur technique dans une société de distribution de médicaments où la facturation était à cette époque manuelle. Il y restera une année et fini par ouvrir son officine à El Eulma, dans un contexte financier difficile, formant lui-même son personnel sur la base de son propre programme de formation. Il reçoit régulièrement les internes en pharmacie qu’il encadre et dont il estime les niveaux satisfaisants.
Notre pharmacien cite la bonne qualité des relations qu’il avait autant avec les médecins qui lui rendaient régulièrement visite au sein de son officine, il était pour eux une source fiable d’information sur les médicaments. Si la relation avec les patients était bonne dès les débuts car basée sur l’expertise et les précieux conseils santé fournis, Salim s’inquiète car elle celle-ci s’est compliquée, depuis que nous sommes entrés dans l’ère des patients connectés, qui puisent essentiellement leurs infos santé sur les réseaux sociaux, et donc aléatoires et sujettes aux fake news. Notre pharmacien a mis en place un véritable travail pédagogique pour essayer de les informer du mieux qu’il peut.
Le groupement Pharma Invest spa à ses débuts
Dans le contexte difficile que traversait l’officine à cette époque, notamment l’approvisionnement en médicaments et les ruptures, Salim Zaaboub fut séduit par l’idée du groupement de pharmaciens lancée par son ami et confrère Abdelouahab Attout. Il adhéra immédiatement au projet qui vit le jour en 2001 avec la mise en place de Pharma Invest, l’une des premières sociétés par action (spa) au début de l’ouverture économique décidée par le gouvernement de l’époque, où il rejoint le premier Conseil d’Administration. C’est en effet en janvier 1989 qu’avaient été votées une série de lois visant à réformer les entreprises d’Etat. Cela faisait suite à la chute des prix du pétrole qui ayant engendré un tarissement de la rente qui finançait les besoins sociaux depuis l’indépendance. Nous sommes passés d’une économie entièrement administrée par l’Etat à une économie de marché progressivement mise en place, avec une loi votée en 1991 réduisant le monopole de l’Etat, qui fut l’opportunité pour le projet de la spa Pharma Invest. Les résultats financiers du groupement montraient une croissance qui dépassait largement toutes les prévisions, séduisant du coup le commissaire aux comptes (CAC) qui aurait souhaité devenir actionnaire si les statuts le lui avaient permis. Vingt années plus tard, Pharma Invest figure dans le TOP 10 des distributeurs. Salim s’estime très satisfait d’appartenir à un groupement qui a démarré avec 39 actionnaires et une vingtaine d’employés pour arriver à plus de 300 pharmaciens actionnaires, plus de 200 employés et un portefeuille clients très appréciable.
Salim se souvient des nombreuses opportunités offertes grâce au groupement, qui offrait les occasions de rencontres sympathiques entre confrères lors des différents symposiums ou d’autres salons et manifestations scientifiques dans les différentes villes du pays. Ces moments précieux restent gravés dans la mémoire de Salim qui en garde de nombreuses photos.
L’environnement numérique de la pharmacie ayant fortement évolué, Salim Zaaboub réfléchi pour son groupement Pharma Invest, sur le projet de la mise en place d’un service d’accompagnement informatique pour les officinaux. La nouvelle loi santé peut être une opportunité pour Pharma Invest, qui bénéficie du statut particulier de groupement de pharmaciens, d’investir dans la formation de ses membres dans le cadre de l’article portant sur les services rémunérés que devra réaliser l’officinal.
Les voyages
La profession l’a aussi amené à visiter Cuba, de laquelle il reste impressionné par la capacité de ses habitants à résister à l’embargo économique, commercial et financier imposé par les Etats Unis le 3 février 1962 à la suite des nationalisations qui ont expropriés les sociétés américaines. Notant leur grande culture, il fut agréablement surpris d’entendre un jardinier cubain, sachant la nationalité algérienne de Salim, citer le président Houari Boumedienne d’un pays situé à des milliers de kilomètres du sien. Un témoignage international émouvant sur la grandeur de notre pays.