Portrait de pharmacienne, Hayet BOURGHOUD « la pharmacie du sourire, au cœur de l’humanitaire »

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Portrait de pharmacienne, Hayet BOURGHOUD « la pharmacie du sourire, au cœur de l’humanitaire »

Par Abdellatif Keddad

Hayet Bourghoud est issue d’une grande famille constantinoise qui compte autant des médecins que des politologues ou des fonctionnaires. Son oncle, le docteur Hacene Bourghoud, militant nationaliste du quartier de Sidi Djelis, fut l’un des premiers médecins à s’installer à Constantine, soignant autant la population que les moudjhidines. Son engagement pour l’indépendance de l’Algérie, on compte à ses côtés Bachir Mentouri et Abdelhafidh Boudjemaa, lui valu après le cessez-le feu, d’être la cible de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) une organisation terroriste française clandestine, proche de l’extrême droite, lors de 2 attentats .

Son père est membre fondateur de la fédération algérienne de football et en nageur averti, il participa à la fondation du club de water polo de Constantine. On retrouve chez Hayet, les valeurs qui ont été transmises par l’ensemble des membres de la famille Bourghoud: l’humanisme, l’engagement pour le pays, la générosité et les valeurs sociales.  C’est à la fois sa passion pour la chimie, son intérêt pour la santé de la population et l’écoute de l’autre qui la guident vers le choix de la filière pharmacie pour les études universitaires. Elle obtiendra son diplôme de pharmacienne à Constantine en 1987. Son département fut jumelé avec la faculté de Châtenay-Malabry de Paris, l’un des plus grands centre de recherche académique en pharmacie, ce qui avait permis de renforcer le corps enseignants avec des coopérants. Elle n’oublie pas ses camarades de promo évoqués avec une certaine nostalgie qui ont été pour elle, magnifiques. Tous exercent la profession avec amour et dévouement.

Hayet gardera aussi un très bon souvenir de ses nombreux enseignants qui ont été des modèles pour elle, notamment madame Benidir dont le dévouement pour la pharmacie et les actions engagées, la connaissance et la maitrise du métier ont orienté son parcours. Le début de son activité professionnelle, se fait dans le cadre de son service civil au sein de l’entreprise étatique de distribution et production des médicaments pour la région Est, l’ ENCOPHARM. Cela correspondait au lancement des formes sirop aux côtés de Mustapha Amrani, de qui elle garde un excellent souvenir. En fin de contrat, Hayet Bourghoud s’installe en libéral à Constantine, et occupe au bout de 31 ans d’exercice, le même endroit à Coudiat.

On retrouve dans ses passions, le sport dont elle pratique le jogging et la natation ainsi que les voyages à travers les nombreuses régions du pays dont la corniche Djijelliene, la Kabylie, les gorges du Ghoufi et le Sud avec Ghardaïa qui lui ont offert  des images qui restent gravées dans sa mémoire. Pour elle, Dieu a fait de l’Algérie, un paradis sur terre. Cette diversité réapparait, quand en globe-trotter, elle retrouve une part de l’Algérie dans chaque pays qu’elle a eu l’occasion de visiter. Elle ajoute que des actions écologiques citoyennes, – qui sont à portée de mains –  devraient être menées pour sensibiliser, valoriser, préserver et entretenir notre riche patrimoine.

Elle se dit héritière de valeurs inestimables, transmises par ses aînés et montre sa disponibilité et sa volonté, pour à son tour, contribuer à la transmission vers ses jeunes collègues. Une passation de relais porteur des valeurs autant éthiques et morales que professionnelles et ainsi permettre la continuité des bonnes pratiques de la pharmacie. Ses passions dont la photo et la lecture, lui servent pour élargir son horizon et imaginer un meilleur environnement, une meilleure pharmacie. A ses débuts, l’officine était très balisée par les textes réglementaires. Les gardes, les congés, et les autres activités étaient respectées avec une bonne convivialité entre les collègues, fiers d’exercer un noble métier au service de la santé, malgré la pénibilité des approvisionnements mensuels. Cette convivialité, avait permis l’installation d’un grand respect des patients envers leur pharmacien.

Hayet évoque l’excellente qualité de ses relations avec les prescripteurs. Entre eux, les échanges téléphoniques sont confraternels et se font dans les 2 sens, autant elle est sollicitée par les médecins pour diverses questions sur les médicaments, autant elle les appelle pour donner son opinion pharmaceutique sur diverses ordonnances. A ses débuts, l’information médicale qui lui parvenait par courrier, était plus pertinente, plus fiable que celle que l’on reçoit aujourd’hui, inondés par internet. Elle regrette que le rôle du délégué médical, qui fournissait des informations médicales, soit de plus en plus orienté vers le relevé de rotation des produits.

Dans la continuité du développement de la pharmacie, elle a mis en place une grande activité de préparatoire et félicite le travail de la consoeur Souad Naimi pour la réalisation de son abrégé qu’elle vient d’acquérir avec fierté. C’est pour elle un ouvrage référence de grande qualité, qui devrait être utilisé par les départements de pharmacie pour l’enseignement des étudiants.

Hayet Bourghoud a dès les premiers instants rejoint le bureau de wilaya du snapo, aux côtés de Souad Zidani alors présidente. Puis en 2002, elle est élue au sein du conseil régional de l’ordre des pharmaciens. Plus tard, forte du soutien de ses collègues, elle est alors élue au sein du jeune syndicat, le snpaa. Elle utilise alors son mot magique : le partage, un peu par opposition au fait trop répandu d’imposer et à celui du rejet de la critique, alors que « l’on se construit avec la critique » nous dira-t-elle, « nous devons évoluer vers l’innovation et laisser tomber l’imitation » poursuivra-t-elle. Le partage est retrouvé dans ses activités pédagogiques, où elle enseigna par passion la pharmacologie aux étudiants.

Son idéal de la pharmacie repose sur les qualités de ce professionnel de la santé qui doit faire preuve d’une grande capacité à la communication et à l’empathie, de management, de compétences dans le pilotage d’une équipe au service des patients, tout en restant fidèle aux principes des bonnes pratiques pharmaceutiques.

L’engagement humanitaire de Hayet Bourghoud, remonte aux années 1993 au cours desquelles elle fait la connaissance de Tata Ouarda, une femme d’une extrême générosité et d’une grande sensibilité dont l’humanisme séduit ses proches. Elle s’engage alors à ses côtés pour aider les enfants hospitalisés et elle le restera à ce jour, mettant en place autant des activités de suivi pédagogique et d’animation que de fourniture de médicaments et produits divers. Pour Hayet, « les enfants nous donne chaque jour des leçons, pour nous adultes qui oublions de temps en temps, le sens de la vie, du sourire, de la gentillesse… ».  L’activité grandit et l’association ajoute dans ses bénéficiaires, les enfants de l’orphelinat à qui sont fournis des articles scolaires et de l’assistance sociale. Si à ses débuts l’association comptait une dizaine de membres, les bénévoles sont devenus si nombreux qu’il est difficile de tous les avoir en tête. L’organisation s’est faite de manière coordonnée autour de plusieurs commissions, ce qui a donné de l’efficience aux actions engagées et renforcé la motivation des membres.

Hayet Bourghoud restera marquée par l’action engagée au profit de deux cents enfants de Djanet, pour lesquels l’association avait mobilisé ses membres pour la collectes de fournitures scolaires et vêtements et la mobilisation d’une équipe médicale spécialisée. Le contact avec ces enfants permis de découvrir la jeunesse Algérienne splendide et son sourire naturel.

La pharmacie Bourghoud Hayet, a hérité de ses patients de l’appellation de « pharmacie du sourire ». Quelle belle reconnaissance pour un tel parcours. C’est la première chose que l’on voit lorsque l’on y entre,  une plaque portant le nom de place du sourire.

Si Hayet Bourghoud souligne que la pharmacie algérienne est malade, que les références ont disparu au profit de chacun fait ce qui lui plait, elle situe les problèmes sur plusieurs niveaux dont une grande défaillance en communication et une formation trop académique qui gagne a être enrichie par des conférences avec les pharmaciens des autres catégories et des stages pratiques.

En qualité de membre de la commission déontologie au sein du conseil de l’ordre, elle releva les défaillances dans la gestion de l’officine, délaissée à des tiers en dehors de tout cadre réglementaire et propose pour remédier à tout cela, la mise en place d’un cahier des charges de la pharmacie. Quant au modèle économique de l’officine, Hayet pense qu’il faut élargir le champ d’action des pharmaciens. C’est un professionnel qui est au plus prêt des patients et de leur vie sociale et familiale. Il peut intervenir efficacement sur les différentes pathologies et l’observance des traitements, la vaccination, le suivi des personnes âgées, l’éducation thérapeutique (ETP), le dépistage des maladies, la lutte contre le cancer, la lutte contre le tabagisme. Elle s’est sérieusement penchée sur la question de l’ETP en réalisant une étude qui montre la manière de la mettre en place, ciblant des pathologies précises.

En recevant les étudiants, elle remarque que ceux-ci lisent une ordonnance comme un simple texte, sans en faire l’analyse, sans se poser de questions, et elle souligne la nécessité de les accompagner sur le terrain de l’officine. Pour Hayet, nous pouvons de là où nous sommes, participer à la valorisation de notre métier et poursuivre notre formation pour notre développement personnel continu et ainsi rendre service aux patients. Une meilleure communication permettra selon elle, d’installer le respect dans les relations professionnelles et la solidarité.

« Nous pouvons réaliser nos rêves, si on veut obtenir quelques chose, on peut le faire dans le respect des autres et l’honnêteté, car c’est nous qui faisons notre avenir, nous ne le subissons pas. Restons positifs par un travail sur soi au quotidien. »  A.K

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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