Portrait de pharmacien, Fatima Rabia, pilotage et pharmacie: un double challenge

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Portrait de pharmacien, Fatima Rabia, pilotage et pharmacie: un double challenge

In Le bulletin du pharmacien

Novembre 2020, n°040

Issue d’une famille médicale, très portée sur les sciences et le monde de la santé au service de l’autre, c’est naturellement que Fatima Rabia se dirige vers des études de pharmacie à Alger, où elle décrochera son diplôme en 1992. Elle intègre à sa sortie, un laboratoire pharmaceutique national en qualité de responsable commerciale, qu’elle quittera 18 mois plus tard pour s’installer en officine, à Alger Mohamadia, endroit qu’elle ne quittera pas.

Ce laboratoire avait mis en place un programme de formation de son personnel intégrant l’informatique, la gestion. En plus de ce parcours, Fatima sera envoyée à Tours (France) pour suivre une formation sur les bonnes pratiques de distribution. Elle gardera de ce passage, les notions d’organisation, de rigueur et de travail en équipe qui lui seront très utiles par la suite dans son parcours professionnel.

Déjà en 1998, Fatima activait dans une organisation humanitaire. Parmi les actions, une distribution d’équipements scolaires et de médicaments  vers Timimoun.

En 2005 Fatima obtient une licence à la fédération des sports mécaniques et se lance dans son premier rallye auto moto Alger / Biskra /  Ghardaia en réalisant une boucle de 1600 km. Il s’agit d’un rallye de régularité où une vitesse est imposée, avec un circuit à respecter et des contrôles secrets. L’objectif étant d’arriver à destination au temps déterminé, sans pénalité. Ce fut pour Fatima, une découverte en famille palpitante car embarquée dans cette discipline, elle se fait accompagnée de sa soeur comme copilote avec un véritable travail d’équipe.

Ensemble, elles alterne la conduite et l’utilisation du nécessaire roadbook, plan descriptif annoté utilisé pour la navigation sur route, il est technique et assez détaillé. Fatima, allie le sport à la technicité et aux calculs et re-calculs permanents des trajets car tout au long du circuit imposé, il s’agit d’arriver à chaque point identifié sur la carte, à un temps donné.

Elle progresse dans sa discipline en participant à des Gymkhana, qui sont des épreuves d’adresse et de vitesse dans un circuit fermé rendu compliqué par des chicanes et des embûches. Son meilleur rallye a été celui des Colombes en 2007, un rallye international exclusivement féminin où les concurrentes au départ d’Alger, devaient atteindre en 4×4 Khenchela. Fatima a aussi participé au rallye Tin Hinan Alger – Hamam Righa, au rallye Alger – Oran par le littoral avec des personnes à mobilité réduites qui ont montré malgré le handicap, une grande maitrise de leurs véhicules.

Fatima Rabia s’est retrouvée plusieurs fois sur le podium des vainqueurs . Ce sport a permi à Fatima Rabia de découvrir de nombreuses merveilles de l’Algérie, comme El Kantara, le tombeau du Medracen, le  site archéologique de Timgad, le site antique d’El Djamila, Ain El Fouara, etc.

Elle poursuit sa pratique sportive en ajoutant l’équitation où elle évoluera dans des courses d’endurance où la compétition l’amène à  la découverte de Tiaret à travers un circuit de 80 kilomètres. El Djamila a beaucoup marqué Fatima, par le haut niveau de conservation du site situé dans la région magnifique des Babors, tout comme les gorges du Ghoufi, dans les Aures, Ghardaia est une ville magique, Bou Saada une oasis, etc. C’est à chaque fois un nouveau tableau aux couleurs chatoyantes qu’elle découvre grâce à la compétition.

C’est dans son officine à Mohamadia dans le quartier des Dunes, que Fatima a traversé la décennie noire en restant au service de ses patients, aux côtés de son défunt père qui l’a accompagnée durant toute cette période tragique.

En professionnel de la santé responsable, elle a poursuivi sa mission sanitaire auprès des habitants de son secteur qui l’ont adoptée, restant à l’écoute de celles et ceux qui sont devenus sa seconde famille. Fatima leur a prodigué les soins pharmaceutiques dont certains, qu’elle a connu bébés, sont maintenant de jeunes adultes.

En 2005, au cours d’une journée pharmaceutique, elle fait connaissance et sympathise avec les membres du snapo. Elle rejoint le syndicat, piloté à cette époque par le défunt Abderrahim Zemmouchi, car elle estimait que chacun devait apporter sa contribution pour solutionner les problèmes que vivait la profession.

Lors du congrès de Bous Saada, elle est élue au Conseil National, puis elle est investie de la mission de secrétaire général adjointe et se fait remarquée par ses qualités d’organisatrice de journées syndicales. Son analyse des difficultés rencontrées lors de l’activité syndicale, l’amène à la nécessité de mettre en place des formations syndicales pour les élus, afin de les accompagner plus efficacement dans la prise en charge des préoccupation de la profession. « On ne peut pas être syndicaliste du jour au lendemain, l’acquisition de compétences est nécessaire« .

Ce fut une belle expérience, une grande aventure humaine. Il y avait un esprit sain entre les différents membres des wilaya du pays, on formait une grande famille et cela nous a permis de rencontrer des personnes de grande valeur et de cultures différentes d’Est en Ouest, du Nord au Sud, nous avons beaucoup appris. Comme pour les sports mécaniques, Fatima Rabia a vécu cette période comme un challenge car il fallait être le meilleur. Fatima Rabia constate que l’officine aujourd’hui, perd pied. Selon elle, cela vient du fait de la complexité de l’exercice qui nécessite une polyvalence: en plus de la mission sanitaire et de la connaissance des médicaments, le pharmacien doit se spécialiser dans la gestion des stocks, des ressources humaines, dans la communication.

La convention avec les organismes de sécurité sociale, a complètement reconfigurer la pratique officinale, et marquerait le début des difficultés. Le contexte ayant rendu cet exercice de plus en plus difficile, chaque pharmacien est en train de se battre dans son officine pour préserver son activité sanitaire noyée dans les tâches administratives. « Les revenus des pharmaciens ont été laminés et il est difficile de financer les tâches en étant continuellement endetté». Ces évènements ont progressivement fait perdre l’essence de la profession, dont le travail de conseil et d’accompagnement des patients au comptoir en est la parfaite illustration.

L’officine a besoin d’une réorganisation et d’une revalorisation des revenus de ce professionnel de la santé. Parmi les solutions proposées par Fatima Rabia, les allègements fiscaux présentent une alternative intéressante. Le pharmacien apporte de la valeur ajoutée à la santé, c’est le dernier maillon de la chaine sanitaire, il faudrait valoriser et rémunérer les nombreux services réalisés et réalisables dans les pharmacies comme par exemple l’éducation thérapeutique.

Les valeurs de la pharmacie, doivent être rappelées pour éviter les dépassements de plus en plus fréquent. Ces valeurs permettent de préserver l’exercice et de maintenir l’éthique, elles doivent former une référence immuable dont chaque pharmacien doit s’inspirer dans son exercice. La formation continue, trouve ici sa pleine signification et Fatima Rabia cite l’exemple du Canada, où il est nécessaire d’avoir validé chaque année un certain volume horaire de formation, pour voir sa licence renouvelée. Cela est primordial dans notre pays, à un moment où les valeurs professionnelles dévient de plus en plus vers des centres d’intérêts monétaires.

Pour développer sa pratique, Fatima Rabia s’est inscrite dans le cours Belge de nutrithérapeute au niveau du CERDEN, le Centre européen pour la recherche, le développement et l’enseignement de la nutrition et de la nutrithérapie. Il s’agit de promouvoir une qualité de vie et une santé optimale grâce à une alimentation saine. L’adhésion à un groupement peut aussi être selon Fatima Rabia, une alternative économique intéressante.

Elle se souvient que lors du congrès du snapo, les congressistes avaient inscrit cette approche, dans le programme d’action de Bou Saada en 2009. « Pourquoi certains nouveaux pharmaciens utilisent des pratiques non conventionnelles et anti déontologiques, ce qui amène une autre question pourquoi les pharmaciens souffrent aujourd’hui? » Des pratiques que les générations précédentes n’auraient jamais imaginées. La disparition des valeurs, de l’éthique a rendu malade la pharmacie d’officine.

Pour Fatima Rabia, la perte des revenus du pharmacien y est pour beaucoup. Elle adhère au fait qu’un changement du modèle économique de la pharmacie d’officine peut être utile. En intégrant des services rémunérés, cela contribuerait à éliminer les pratiques anti déontologiques, mais aussi à améliorer les revenus du pharmacien. Ce serait l’exercice d’un véritable métier au service de la santé de la population tout en valorisant la pratique. « Il faut redorer le blason du pharmacien avant qu’il ne soit trop tard », elle ajoute que « si le pharmacien d’officine ne change pas la donne, personne ne le fera pour lui ». Elle souhaite la mise en place d’un code barre standardisé sur les médicaments, ainsi qu’une bonne coordination entre le ministère du travail et le ministère de la santé, ce qui contribuerait à réduire considérablement les ruptures.

Les organisations professionnelles devraient faire appel à des experts pour produire des rapports de situation, qui serviront aux membres pour  argumenter et appuyer leurs doléances et faire avancer les différents dossiers. Par ailleurs, une formation au management des organisations, aiderait  à faire progresser les choses. Sa force,  son optimisme: Fatima Rabia  garde espoir pour un avenir meilleur.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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