Portrait de pharmacien, Otman Haddadi « avec des gouttes d’eau, on peut faire un océan »

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Portrait de pharmacien, Otman Haddadi « avec des gouttes d’eau, on peut faire un océan »

Otman Haddadi

par Abdellatif Keddad

Modèle idéal de la pharmacie

Du haut de ses 74 ans, Otman Haddadi est un nostalgique de la pharmacie qu’il a connue durant sa jeunesse. Il préfère rester le plus proche de ce modèle, au point qu’il n’a pas informatisé la gestion de son officine. Il a dédié l’outil informatique par nécessité, au conventionnement avec les caisses de sécurité sociale dans le cadre du système Chifa. Il a formé son équipe officinale, et son plus ancien collaborateur qui l’accompagne depuis plus de 20 années est en charge des questions administratives.

Les membres qui l’ont quitté pour des raisons familiales, qui lui sont reconnaissants et qui témoignent de la qualité des relations professionnelles entretenues par Otman Haddadi, n’ont jamais rejoint une autre officine. La nouvelle lois santé 2018 qui introduit les services liés à la santé que peut réaliser le pharmacien, offre une opportunité intéressante et peut être une issue de secours pour l’officine. La concurrence sera alors basée sur la qualité des services.

Une jeunesse riche en sports et stages en officine

Né dans une famille où prévalait le respect autant des parents que des aînés dans la plus grande pudeur, Otman Haddadi fut élève au Lycée Emir Abdelkader d’Alger où il obtient son bac en 1967. L’année suivante, il s’inscrit à la faculté mixte de médecine et de pharmacie d’Alger, sur les traces de sa sœur et de son beau frère, tous deux pharmaciens officinaux dans le quartier du Palais du Gouvernement.

Ce fut une véritable aubaine pour ce jeune étudiant, qui profitera tout au long de son cursus, de ce terrain de stage et d’un encadrement exceptionnel. Cela lui a été très profitable, au point où il anticipait souvent les réponses aux questions posées par les enseignants, assez surpris d’ailleurs par les connaissances pharmaceutiques de ce jeune étudiant.

Il garde de ce passage de jeune stagiaire, l’image de cette pharmacie qu’il rêvait de pratiquer, avec ses règles de déontologie et de confraternité, le respect et les exigences de qualité techniques et humaines de prise en charge des patients. En plus de la dispensation, il était plongé dans le monde des préparations qui occupaient une place importante dans ses premiers contacts avec l’exercice pharmaceutique et qui donnaient cette odeur caractéristique à la pharmacie lorsqu’on y entrait, qui depuis a disparu.

Parmi ses camarades de promotion, on retrouve Ahmed Benfares et Rachid Ghebbi.

Un champion d’Algérie d’aviron

Ce grand jeune homme pratiquait l’aviron avec le professeur Othmane Damerdji un nom illustre autant de la chimie algérienne que de la guerre de libération nationale où il fut un homme grenouille moudjahid aux missions casse-cou. En 1956, en pleine guerre, formé par l’ALN à la plongée sous-marine, il fut chargé d’attaquer la flotte ennemie basée à Mers El kebir, Toulon et Brest et de déminer le port d’Alexandrie en Egypte. Il forma durant un demi siècle à Bab Ezzouar, de nombreuses générations de médecins et de pharmaciens.

Otmane Haddadi avec son club d’Alger à l’intérieur de l’Amirauté, fut champion d’Algérie d’aviron au début des années 70 et sélectionné dans l’équipe nationale. Ce grand étudiant, qui su allier les études et le sport, pratiqua également le basketball et le handball.

De l’université d’Alger à celle de Montpellier

Diplômé pharmacien en 1972, il part faire son service national au cours duquel il sera affecté au niveau de l’hôpital militaire de Maillot à Alger dans le laboratoire d’analyses. Après son service, il rejoint la PCA (Pharmacie Centrale d’Algérie) de Chalons (Alger)  en qualité de chef de division pour approvisionner les pharmacies du pays.

Peu de temps après, il obtiendra une bourse d’étude et se rendra à l’Institut Européen des Sciences Pharmaceutiques Industrielles de Montpellier, un établissement coté sur le marché du travail, et dans lequel les promotions sortantes, forment une ressource humaine précieuse pour l’industrie pharmaceutique européenne. Nombreux sont ses amis algériens qui ont été séduits par les offres d’emploi proposées et sont restés en Europe.

Otman Haddadi ne cèdera pas à la tentation et reviendra en Algérie, autant pour rester aux côtés de ses parents qui avaient besoin de lui que par patriotisme.

Ses fonctions au sein de l’entreprise publique

A son retour il rejoindra le laboratoire de recherche et développement galénique de Saidal où il développera des formules pour la gamme du laboratoire national et participa à la formation de nombreux stagiaires qu’il encadra en véritable pédagogue. Il a réalisé des travaux scientifiques sur la compression directe des comprimés qui ont fait l’objet de communications et de publications.

Le perfectionnement de ses connaissances le conduira à nouveau à Montpellier, grâce à une bourse pour y préparer un doctorat en pharmacie industrielle. Dans cette université, il fit la connaissance de Rachid Ghebbi, l’expert qui deviendra son ami et avec lequel il a gardé de bonnes relations. Peu de temps après, faute de suspension de bourse pour des raisons occultes, il rédigea un sévère courrier à son responsable et sera contraint de revenir en Algérie.

Il occupera successivement les fonctions de directeur technique à El Harrach puis à Biotic et enfin de directeur de l’unité où les officinaux du pays s’approvisionnaient régulièrement. Il garde un bon souvenir de cette période au cours de laquelle il exerça un métier qui le passionnait au point où, chose assez exceptionnelle, il se rendait sur son lieu de travail dès cinq heures du matin. Il était très proche et respectueux de ses équipes auxquelles il était attentif, mais suite à un accrochage avec son directeur général, un économiste qui lui est apparu pas au fait du médicament, il démissionna.

Un parcours où il exerça de nombreux métiers de la pharmacie allant de l’hospitalier, au laboratoire, à la distribution, au développement, à la production et fera un passage au niveau du laboratoire de biologie de l’hôpital d’El Kettar, spécialisé dans les maladies infectieuses.

A son retour il rejoindra le laboratoire de recherche et développement galénique de Saidal où il développera des formules pour la gamme du laboratoire national et participa à la formation de nombreux stagiaires qu’il encadra en véritable pédagogue. Il a réalisé des travaux scientifiques sur la compression directe des comprimés qui ont fait l’objet de communications et de publications. Le perfectionnement de ses connaissances le conduira à nouveau à Montpellier, grâce à une bourse pour y préparer un doctorat en pharmacie industrielle.

Dans cette université, il fit la connaissance de Rachid Ghebbi, l’expert qui deviendra son ami et avec lequel il a gardé de bonnes relations. Peu de temps après, faute de suspension de bourse pour des raisons occultes, il rédigea un sévère courrier à son responsable et sera contraint de revenir en Algérie. Il occupera successivement les fonctions de directeur technique à El Harrach puis à Biotic et enfin de directeur de l’unité où les officinaux du pays s’approvisionnaient régulièrement.

Il garde un bon souvenir de cette période au cours de laquelle il exerça un métier qui le passionnait au point où, chose assez exceptionnelle, il se rendait sur son lieu de travail dès cinq heures du matin. Il était très proche et respectueux de ses équipes auxquelles il était attentif, mais suite à un accrochage avec son directeur général, un économiste qui lui est apparu pas au fait du médicament, il démissionna. Un parcours où il exerça de nombreux métiers de la pharmacie allant de l’hospitalier, au laboratoire, à la distribution, au développement, à la production et fera un passage au niveau du laboratoire de biologie de l’hôpital d’El Kettar, spécialisé dans les maladies infectieuses.

Après Saidal, reprise d’une officine

Quelques temps auparavant, Otman Haddadi avait subi une injustice de son supérieur hiérarchique, et par mesure de précaution, déposa auprès de la direction de la santé, une demande d’installation en officine. Après avoir quitter l’entreprise, il resta sans emploi durant une année, à l’issue de laquelle il reprit une officine à Bab El Oued en 1984, lieu qu’il occupe à ce jour.

En 2001, lors des inondations de Bab El Oued, sa pharmacie avait disparu sous les eaux, il avait tout perdu et fut ruiné. A ce moment il regretta et fut touché par l’absence de solidarité de ses confrères. Il se releva très difficilement de cette catastrophe qui le marquera à jamais.

Etat des lieux de l’officine: un constat amer

Le problème des ruptures le préoccupe sérieusement. Il estime qu’elles sont dues à une programmation défaillante des besoins et l’absence d’exploitation de données. A cela s’ajoute une politique pharmaceutique inexistante, celle qui permet d’anticiper les besoins. « La confraternité doit rester le pivot central de l’activité pharmaceutique si l’on souhaite offrir une réel service de santé publique ».

Cet esprit qui existait lorsqu’il était jeune stagiaire et où les patients disaient « bonjour docteur », a malheureusement disparu au profit d’enjeux mercantiles où la concurrence y a trouvé un riche terreau. La perte des valeurs humaines a fortement impacté l’exercice de la pharmacie comme les autres secteurs d’activité. « A notre époque, nous avons été formés sur les bancs de l’université, avec un état d’esprit de santé publique ».

Le modèle économique de l’officine, d’où le pharmacien puise ses revenus, basé uniquement sur des opérations commerciale, est en partie à l’origine de ce problème.

Le constat est amer, certes.

Avec plusieurs gouttes d’eau on fait un océan

Otman Haddadi aime son pays et ajoute malgré le contexte difficile, l’existence de pharmaciens mus par la volonté de développer leur profession. « Ce sont des gouttes d’eau, avec plusieurs gouttes d’eau, on peu faire un océan« . Nous avons une jeunesse extraordinaire, pleine d’énergie, un pays avec de nombreuses richesses où l’on trouve une multitude de reliefs et climats, bien plus avantagé que la Japon qui a su devenir une puissance mondiale.

Son sourire constant traduit un optimisme continu.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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