Portrait de pharmacien: Salim Allioua membre fondateur de PI, « Des échanges fructueux de compétences avec les prescripteurs dans l’intérêt des patients »

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Portrait de pharmacien: Salim Allioua membre fondateur de PI, « Des échanges fructueux de compétences avec les prescripteurs dans l’intérêt des patients »

Par Abdellatif Keddad

Notre pharmacien du mois est Salim Allioua. Il est membre fondateur de Pharma Invest avec les 39 actionnaires qui sont à l’origine du projet de groupement de pharmaciens, piloté par Abdelouahab Attout aux côtés des membres maintenant disparus Karima Leghrib, Djamel Haddadi et Noureddine Cheriri auxquels Salim tiens à rendre hommage.

Des influences ayant pour origine la médecine arabo musulmane médiévale

Originaire de Mila, où il a suivi l’ensemble de sa scolarité avec un passage par le Lycée Didouche Mourad et un bac sciences décroché en 1982, Salim, influencé par les savants de la médecine Islamique médiévale comme Ibn Nafis, Ibn Sina, s’est orienté au sein de l’université de Constantine, vers le tronc commun biologie des filières santé. Ayant réussi ses examens, l’année suivante, il opte pour la pharmacie dont la première promotion venait d’être lancée.

Il y décrochera son diplôme en 1987. C’est alors qu’il rejoint alors l’hôpital de Mila, une structure de 60 lits, où il est affecté au laboratoire d’analyses médicales. Le labo, avec une équipe de 8 techniciens pilotés au début par 2 pharmaciens, ne disposait pas encore d’automate et les analyses se faisaient surtout par spectrométrie classique, sur la base de la loi de Beer Lambert, dont la formule a sans doute disparue aujourd’hui, remplacée par la technologie.

Des responsabilités pharmaceutiques acquises très tôt

Le laboratoire pratiquait l’ensemble des examens de la microbiologie à l’hématologie en passant par la parasitologie et l’immunologie. Salim avait hérité de la responsabilité technique du labo tandis que sa consoeur assumait la responsabilité administrative, et ceci de septembre 1987 à septembre 1989. Cette époque, était marquée par la présence de coopérants étrangers. Dans le cas de l’hôpital de Mila, c’est une mission médicale vietnamienne qui y était affectée, composée d’un médecin, d’une pharmacienne, d’un bactériologiste, d’un médecin anesthésiste, d’un radiologue, d’un laborantin, de techniciens.

Salim et son équipe, collaboraient ainsi avec la pharmacienne, le laborantin et le bactériologiste vietnamiens. Il se souvient parfaitement de leur ponctualité et de leur rigueur au travail. Ses collègues étrangers, avaient introduit un concept d’efficacité technique dans le travail, pour eux, il n’était pas question de cesser les examens au motif de pénurie de réactifs : il fallait les fabriquer sur place avec les produits disponibles.

Une étroite collaboration avec le personnel médical vietnamien

L’histoire du Vietnam, un pays d’Asie du Sud Est sur  la mer de Chine,  est une longue succession de dominations étrangères. Longtemps occupé par la Chine, il devient indépendant en 939. Puis, en 1862, le pays est à nouveau colonisé, cette fois par la France qui s’empare d’abord de la Cochinchine qui est la partie Sud du pays puis en 1880, du reste du Vietnam, qui fini par devenir l’Indochine en 1887. L’indépendantiste Ho Chi Minh, leader du parti communiste vietnamien, fini par récupérer le pays en 1945. Les bouleversements locaux font qu’en 1954, suite aux accords de Genève, le pays est divisé en deux parties hostiles l’une envers l’autre : le Nord avec un régime communiste, et le Sud avec un régime soutenu par les Etats Unis. C’est ce qui avait plongé les USA dans une des guerres les plus impopulaires, les obligeant à se retirer définitivement en 1973.

En 2021, le Vietnam est un pays de 98 millions d’habitants qui a pour capitale Hanoï, il est le 2ème exportateur mondial de café derrière le Brésil, et 3ème pour le riz. Le pétrole représente quant à lui 20% de ses exportations, classant le pays au 25e rang mondial. Les collègues vietnamiens de Salim, lui parlaient souvent de leur révolution contre les occupants français et américains, et de la médecine de guerre qu’ils ont du développer avec principalement la chirurgie.

Affectés en Algérie, ils ont été séduits par la nature et ont beaucoup apprécié la région de Mila, à laquelle ils donnèrent la douce appellation de la vallée de l’amour. En pharmaciens, Salim échangeait souvent avec ses collègues asiatiques, sur les plantes médicinales. Il nous explique qu’ils avaient amené avec eux, leurs propres remèdes médicinaux à base de plantes, et que cependant il leur était interdit de les partager en respect de la réglementation algérienne sur les médicaments. 

A la fin de leur mission, les contacts amicaux se sont poursuivis durant deux années. Ce riche parcours hospitalier a permis à Salim de nouer de solides relations de qualité avec les prescripteurs ses aînés, basées sur les échanges de compétences pour une meilleure prise en charge des patients.

Après l’hôpital, l’officine

Le service civil réalisé, Salim notre jeune pharmacien renforcé par son parcours précédent, ouvre son officine en septembre 1989 animé par la volonté de poursuivre sa mission sanitaire au service des malades. Malgré les problèmes financiers liés à l’investissement, Salim Allioua relève le challenge et réussi à construire une relation de confiance avec ses patients. Il lance le préparatoire pour répondre à la demande des médecins, qui souhaitaient la contribution du pharmacien pour enrichir l’arsenal thérapeutique. En vue de maintenir le nécessaire contact avec les autres professionnels de la santé et entretenir ses connaissances, il adhère à l’UMA (l’Union Médicale Algérienne) au sein de laquelle il activera.

Mila, une ville millénaire

Salim Allioua, est un passionné de sa région, qui fut longtemps protégée par son relief d’accès très difficile, faisant d’elle une forteresse naturelle. Il nous parle de ces nombreuses peuplades qui l’ont traversée au fil des millénaires, faisant d’elle un carrefour des civilisations. Il nous rapporte que Mila vient du nom antique Melou, qui est celui de la reine Berbère des Kutama, pour laquelle une statue a été érigée dans la citadelle au cœur de la ville. Cette cité fut l’une des plus importantes du royaume du souverain Massinissa.

Mubârak al-Mîlî (1889-1945) historien proche de l’association des Oulémas, a beaucoup écrit sur sa région.  Il a aussi publié entre 1928 et 1932 une Histoire de l’Algérie dans les temps anciens et modernes (Ta’rîkh al-Jazâ’ir fî al-qadîm wa al-hadîth) en deux volumes. En arrivant dans l’ancienne Mila, on traverse l’arc antique dit Bab Erahba puis nous longeons l’ancienne fontaine du 3ème siècle ain Labled avec son débit de 5 litres par seconde, est accessible par un escalier de 21 marches. Salim poursuit en nous parlant alors de la mosquée de Sidi Ghanem, la plus ancienne mosquée d’Algérie et la seconde au Maghreb après la Mosquée de Kairouan.

Elle fut  construite en 59 de l’hégire (678 ap. J-C) par Abou Mouhadjir Dinar dont elle porte parfois le nom. Il a été le compagnon de Sidi Okba, sous les Omeyades et tous deux sont enterrés dans la wilaya de Biskra dans la commune du même nom. Citant d’autre part l’historien Noureddine Bouaroudj, Salim évoque le rôle important joué par cette mosquée dans l’introduction et le rayonnement de l’islam dans le pays, qui présente une architecture inspirée des mosquées Omeyades de Damas et de celle de Kairouan. D’une superficie de 820 m² avec une esplanade, une salle de prière, elle comportait deux minarets de 365 marches.

Les fouilles archéologiques ont révélé qu’elle a été construite sur les ruines d’une basilique antique. Au XXe siècle, la mosquée a été détruite par le colonisateur qui en a fait une église. Au fil de l’histoire, les historiens rapportent que c’est de Ikjan que sont partis les Fatimides au Xe siècle pour fonder et s’implanter au Caire grâce aux savoir faire locaux en matière de construction. Ibn Khaldoun situe cette dynastie entre Sétif, Jijel, Collo et Mila, donc en plein pays bavare.  Salim Allioua citant les archéologues, insiste sur le fait que toute la région de Mila est couverte de vestiges antiques toujours enfouis, qui ne manqueront pas de fournir dans le futur, beaucoup d’informations sur les civilisations qui s’y sont succédé.

Les martyrs de la révolution

Mila qui a subi la colonisation française en 1837, a vu bon nombre de ses enfants rejoindre le maquis pour une Algérie libre. Les plus connus ont été Abdelahfidh Boussouf, Lakhdar Bentobal et Larbi El Mili. Il les évoque avec émotion en citant les membres de sa famille disparus.

Un riche patrimoine agricole

Notre pharmacien nous plonge alors dans les richesses agricoles de la région privilégiée par la nature. Les barrages de Beni Haroun le plus important du pays et de Grouz, ont contribué à ce développement, à tel point qu’il est envisagé une autosuffisance nationale en matière de céréales. A côté des importants investissements dans la filière lait, les nombreuses oliveraies fournissent une huile réputée.

Préserver le métier de pharmacien

Revenant sur l’évolution du métier de la pharmacie, Salim estime qu’un changement majeur est apparu depuis la mise en place du conventionnement avec les caisses de sécurité sociale, déstabilisant les activités liées aux prestations. S’ajoute à cela la gestion des substances psychotropes venue compliquer la situation alors que le code barre, qui aurait pu offrir une traçabilité recherchée des opérations et une sécurisation dans la dispensation de ces produits, a malheureusement été oublié. Salim invite les pharmaciens à entretenir le respect mutuel et à adhérer au groupement de pharmaciens. La préservation du noble métier que nous exerçons, dit-il, ne pourra se faire que dans le respect des règles éthiques et déontologiques.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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