Portrait de pharmacienne actionnaire, Sabah NAJAH de Skikda: les actes rémunérés feront la différence entre un praticien en exercice et un praticien commercial.

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Portrait de pharmacienne actionnaire, Sabah NAJAH de Skikda: les actes rémunérés feront la différence entre un praticien en exercice et un praticien commercial.

Ce mois, nous voyageons sous le soleil de Skikda, où nous rencontrons notre pharmacienne, Sabah Najah qui partage avec nous son parcours et sa vision singulière de l’art de la pharmacie. Risicada, c’est le nom antique de la ville de Skikda, avec ses 140 km de côtes était un comptoir phénicien fondé durant le 1er millénaire. Il aura fallu 22 années aux envahisseurs français pour occuper cette ville, forte d’une résistance acharnée de la population et d’une géographie montagneuse avec des vallées étroites. Entre 1830 et 1962 elle détenait le plus grand nombre de titres de journaux. L’insurrection de la population le 20 août 1955 qui se souleva contre le colonialisme fut réprimée par un véritable massacre perpétré par l’armée de l’occupant. Ce fut pour la ville une page dramatique de l’histoire elle perdit plus de 10.000 de ses enfants.

C’est dans un univers où les livres vont influencer sa destinée académique que Sabah évolue. Elle suit brillamment sa scolarité, passionnée pour l’écriture dès son jeune âge grâce à l’influence bienveillante de ses parents, des lettrés portés sur la culture de leurs enfants. Ils éveillèrent en elle la curiosité intellectuelle. S’adonnant beaucoup à la lecture, Sabah se plongeait dans les multiples récits extraordinaires dont les pièces théâtrales de Molière qui faisaient rêver cette jeune enfant. Si son père un énarque qui fut haut fonctionnaire puis proviseur de lycée accompagnait l’éducation de sa progéniture, c’est sa mère, qui assurait avec beaucoup d’engagement et d’implication, le suivi des matières enseignées à leurs six filles.

Un encadrement parental à la fois rigoureux et plein de sensibilité. Il portera ses fruits avec le succès des parcours académiques éloquents respectifs de leurs enfants. L’aînée s’érige en gynécologue, la seconde ingénieure en chimie, notre protagoniste pharmacienne qui est suivie de la médecin vétérinaire, de l’ingénieure informatique et la cadette qui a gravi les échelons jusqu’à devenir professeur en chirurgie dentaire spécialisée en odontologie conservatrice. Les nombreux voyages réalisés à travers le pays ou à l’étranger, ont contribué à l’épanouissement propice à l’enrichissement intellectuel. C’est elle qui inscrivit sa fille assez tôt dans une école de musique où elle s’initia aux délicats arcanes du solfège puis s’attarda sur les touches mélodieuses du piano. Sabah entretien cette sensibilité à ce jour en interprétant des partitions de malouf et de musique classique grâce au piano familial qui trône majestueusement dans le salon.

Elle fut une élève assidue et studieuse et côtoyait des camarades au primaire, qui allaient devenir plus tard,  de précieux amis et collègues de travail. C’est au lycée Larbi Tebessi, le plus ancien de la ville, qu’elle aborde le secondaire, là où passa Ferhat Abbas, son historique confrère premier président du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne en 1958 et de l’Assemblée Nationale Constituante en 1962. Elle est dans une promotion où elle prend l’allemand comme seconde langue étrangère avec l’anglais en première langue.

Ainsi à l’âge de 14 ans, à travers l’organisation de la jeunesse UNJA elle découvre l’Union Soviétique, l’actuelle Russie via des voyages en chemin de fer dans cet immense pays vers Moscou, Kiev, Saint Petersburg. Cette organisation l’amènera aussi en République Démocratique d’Allemagne – ex-RDA, elle y perfectionnera son allemand au sein d’une famille où elle communiquait avec aisance. Suivant la filière sciences, elle obtient son bac en 1982 et passe du même coup le second examen du bac français qu’elle décroche également.

C’est alors qu’elle s’inscrit à l’université de Constantine dans la filière tronc commun biomédical sur les conseils de son père et par affinité pour la santé ce qui l’amènera l’année suivante au département de pharmacie au sein d’une promotion d’une cinquantaine d’étudiants. Le cursus s’est déroulé sans embûche et Sabah garde de bons souvenirs de ses passages dans l’ensemble des services spécialisés du CHU de Constantine qui furent pour elle l’occasion de la mise en pratique du rôle des pharmaciens au chevet des patients.

En 1987 elle décroche à 22 ans son diplôme de pharmacienne prête à exercer sa vocation. Elle débute son exercice au sein de l’agence d’Etat de la ville, avec la dispensation et la gestion durant quatre années. Sabah finit par s’installer en 1991 comme officinale exerçant seule la pharmacie à Ramdane Djamel dans la vallée de l’oued Safsa, un endroit qu’elle ne quittera pas à ce jour. C’est là qu’une forte résistance à l’occupant fut menée au début de l’invasion française par le chahid Si Zerdoud et ses hommes.

Dans son parcours elle a enseigné la pharmacologie au niveau de l’école paramédicale de Skikda à titre symbolique. Souhaitant œuvrer pour la défense de la profession, elle rejoint dans un premier temps le SNAPO lors de l’installation du bureau de wilaya puis le SNPAA, majoritaire dans la wilaya. Elle nous confie que l’exercice devient de plus en plus difficile avec notamment l’apparition de pratiques non éthiques qui ternissent l’image de la pharmacie. Les ruptures de médicaments viennent compliquer les tâches de l’officinal et les équilibres financiers sont de plus en plus difficiles à préserver.

Le conventionnement avec les organismes de sécurité sociale avait permis aux patients l’accès plus large aux médicaments. Sabah pense que les déviations concernant les mauvaises pratiques peuvent avoir leur origine dans le modèle économique de l’officine, et la rémunération de l’acte pharmaceutique, contribuerait à redresser la barre. De plus cela permettra de faire la différence entre un pharmacien présent dans son officine et un pharmacien qui s’absente voir inexistant.

De nombreux camarades de promotion de Sabah Nadjah, avaient participé au lancement du groupement de pharmaciens PharmaInvest. C’est grâce à eux et au contact qui était maintenu, qu’elle fut sensibilisée au projet qu’elle rejoint en qualité d’actionnaire.

Séduite par le modèle d’organisation du groupement, elle a la certitude que les collègues gestionnaires qui sont au plus proche de la situation officinale, sauront répondre à ses préoccupations. De plus elle ajoute que le fait de maintenir le capital entre les pharmaciens, permettra de préserver le cadre professionnel et la question éthique. Elle n’a pas pu assister à la dernière assemblée générale de présentation des résultats en juin dernier pour une noble raison : elle a eu cette chance extraordinaire de se rendre aux lieux saints de l’Islam pour son pèlerinage du Hadj.

Son souhait est de se rendre sur le site de production pour une visite de ce joyau de l’industrie pharmaceutique nationale, résultat de l’engagement de pharmaciens soucieux de produire des médicaments de qualité afin de les dispenser à leurs patients. Pour Sabah, le groupement peut être une interface pour accompagner la formation continue des pharmaciens notamment à la lumière des services liés à la santé prévus dans la nouvelle loi santé.

Skikda

Une ville côtière, prisée par les touristes, connue pour sa production de fraises comme la ruscicada ou la lemkerkeba qui offre une occasion de célébrer la fête annuelle de ce délicat et délicieux fruit rouge qui se tient au mois de mai. Durant les festivités sont primés les meilleurs gâteaux, jus et confitures. En 2022, la wilaya avait produit près de 7200 quintaux de fraises, alors que la production naturelle provenant des montagnes avait été estimée à 3200 quintaux.

Une production en baisse par rapport aux années précédentes, suite à une diminution de la pluviométrie. La ville dispose d’un musée qui se situait dans l’enceinte du théâtre romain, il a été transféré par la suite au niveau de l’hôtel de ville, puis vers une construction qui lui avait été dédiée, laquelle a malheureusement été détruite. Le Musée Cirta de Skikda se situe actuellement en face de l’APC et comporte près de 1500 pièces dont des stèles funéraires numido-puniques en granit, des colonnes, des chapiteaux, des sarcophages, des statues, offrant un voyage fascinant à travers l’histoire de la région.

On y trouve une première section avec des pièces de monnaies, des céramiques, des objets métalliques ciselés, et une seconde section d’architecture, de sculptures, d’épigraphie, et bien d’autres pièces historiques. L’étage comporte des tableaux, des armes dont un canon provenant d’une bataille navale, une collection de la faune marine de la région, des artefacts archéologiques, des objets traditionnels. Parfois y sont organisées des expositions temporaires qui ajoutent une touche moderne à l’expérience. Le palais Meriem Azza ou château Bengana, dessiné par l’architecte Charles Montaland, constitue un autre joyau architectural de la ville. Classé au patrimoine national, il est de style néo-mauresque, avec l’empreinte de style Almoravide sur la façade extérieure et à l’intérieur, de belles faïences formant des carreaux décoratifs.

Skikda compte de nombreuses personnalités issues de multiples horizons du monde révolutionnaire comme Ali Mendjeli ou Lamine Debaghine, de la politique, de la presse, des écrivains comme le sociologue Ali El Kanz, des artistes plasticiens comme Farid Baghriche ou Djeffal Adnane, des sportifs comme la championne d’Algérie de Basket. Sabah Najah se souvient d’un lieu mythique à Skikda, le théâtre, une œuvre architecturale de style à prédominance baroque avec un toit en ardoise bleue qui en fait l’un des plus beaux théâtres d’Algérie.

C’est dans cet endroit qu’étaient célébrées les fêtes de fin d’année scolaire avec les remises des prix, les divers spectacles et pièces théâtrales scolaires ou non. Côté gastronomie, Sabah Nadjeh évoque les spécialités locales comme le couscous au rouget qui doit être préparé avec délicatesse pour mieux maîtriser sa cuisson, la gritliya qui est une pâte traditionnelle cuite à la vapeur et plongée dans un bouillon de viande d’agneau avec des pois chiches. Skikda étant la ville du poisson, celui-ci est quasi présent lors des invitations en famille ou entre amis. La pizza skikdia selon une recette traditionnelle qui a donné lieu à la tenue d’un festival qui lui est dédié, fait partie du décor.

Sabah Najah a tracé son parcours académique et professionnel avec succès, sous l’influence bienveillante de ses parents. Femme algérienne qui allie la modernité à la tradition, Sabah souligne la contribution du groupement de pharmaciens et reste engagée à relever les défis éthiques auxquels la profession est confrontée.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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