Portrait de pharmacienne : Nassima KHOUADER, « La vaccination en officine a subitement rendu visible la profession de pharmacien d’officine »

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Portrait de pharmacienne : Nassima KHOUADER, « La vaccination en officine a subitement rendu visible la profession de pharmacien d’officine »

Par Abdellatif Keddad
in Le Bulletin du Pharmacien – groupement Pharma Invest

Nassima Khouader, pharmacienne installée à Ain Benian (Alger), est diplômée de l’université d’Alger en 1992. Elle garde encore en mémoire l’excellent encadrement fournit par le professeur Hamrioui Boussad, parasitologue président du comité national de lutte contre le paludisme qui a contribué en harmonie avec tous les collaborateurs de la santé et des autres secteurs à l’éradication du paludisme en Algérie en 2019. Pour Nassima, le professeur Hamrioui Boussad représente cet enseignant qui incarne la faculté de pharmacie dans toute la grandeur de la transmission des savoirs et celle de l’humilité, de la bienveillance et du respect des étudiants. Nassima fut élue déléguée de la promotion et à ce titre elle fut la porte parole des étudiants portant leurs inquiétudes au sein du conseil pédagogique de l’université.

Préférant se consacrer à l’éducation de sa jeune fille, elle ne s’installera en libéral qu’en 1995 à Miramar dans la commune de Rais Hamidou du nom du célèbre corsaire algérien du XIIIe siècle, une figure emblématique de notre histoire. Puis Barberousse y construisit un fort au XVIe siècle et plus tard, le 23 octobre 1954 les six dirigeants historiques y tinrent la fameuse réunion qui déclencha la révolution du 1er Novembre. Nassima passera 18 années au service de la santé des patients de ‘La Pointe’ anciennement ‘Pointe Pescade’ dans un quartier renfermé sur lui même qui échappât longtemps aux déformations urbanistiques.

C’est là qu’eurent lieu les premiers contacts avec ses patients, ravis de l’installation d’une pharmacie dans leur quartier, et c’est là aussi qu’elle découvrit la réalité des pénuries et les difficultés de la profession. Elle reçut également au sein de son officine, de nombreux étudiants qu’elle encadra bénévolement. Ses relations avec les collègues médecins et pharmaciens étaient professionnelles et cordiales, allant dans le sens de la meilleure prise en charge à mettre en place pour les malades.

Si au bout de ses 28 années de pratique Nassima évoque certaines améliorations comme l’informatisation ou l’augmentation de la fréquence des livraisons, la problématique des pénuries est restée récurrente remettant en question la régulation du marché et la politique du médicament. De plus la profession est traversée par des éléments déviants contradictoires avec la déontologie qui lui ont porté préjudice. La réflexion de Nassima Khouader, à la lumière de l’organisation du secteur au-delà des frontières, nous invite à faire évoluer le modèle économique actuel agressif favorisant la compétition commerciale, pour y introduire une revalorisation des compétences qui permettrait une rémunération sur les services pharmaceutiques.

Une approche qui évitera certainement la disparition d’un acteur majeur dans la chaine des soins. Pour preuve,  » La Covid 19 a subitement rendu visible la profession de pharmacien d’officine ». Celui-ci est resté en poste au service de la santé du citoyen, complètement désarmé face à la pandémie alors qu’il se savait exposé à un risque sanitaire potentiellement grave pour lui et sa famille. Il a réalisé des prestations professionnelles à titre gratuit et par solidarité nationale.

Notre pharmacienne s’est beaucoup investie sur la question de l’Elargissement de la pratique Officinale, s’inspirant du modèle EPP de l’OMS, dans le sens des services rémunérés en produisant divers travaux, « il nous faut repenser son fonctionnement avec des éléments qui répondent à nos besoins comme l’externalisation des revenus hors vente de médicaments « . C’est ainsi qu’elle a contribué au sein de la Fédération Algérienne de Pharmacie—FAP pour la section officine, à la présentation de travaux via des conférences sur les bonnes pratiques à l’officine. Elle s’est inspirée des modèles Suisse et Canadien et leur implémentation dans notre pays avec les services fournis par ces espaces santé. Nassima rappelle qu’actuellement les pharmaciens offrent gratuitement des services spécifiques non répertoriés et non standardisés aux patients et à titre gratuit.

Pour étayer ses arguments, elle évoque le cas de la Covid19 pour lequel elle avait mis en place un sondage pour la FAP, pour évaluer les approvisionnement et la prise en charge des patients en officine durant la pandémie. Nassima ajoute que les vaccinations contre la COVID, anti grippale et les tests antigéniques ont formé les premiers services liés à la santé réalisés par les pharmaciens à titre gratuit. Il faudrait en élargir la gamme et y ajouter une rémunération comme prévu dans la loi sanitaire 18-11.

L’autre volet évoqué est celui de la formation universitaire pour laquelle il n’existe pas de pont entre la faculté de pharmacie et l’officine. La plupart des enseignants sont des hospitalo-universitaires qui ne sont pas assez imprégnés de la complexité du monde officinal et de son développement, particulièrement ces dernières années, comme la gestion du conventionnement avec les caisses de sécurité sociale, les relations institutionnelles et commerciales, la GRH pour ne citer que ceux-là. Au même titre qu’il existe un module de pharmacie hospitalière dispensé par des hospitaliers, ou un module de biologie dispensé par les spécialistes, le module officine qui représente la partie la plus importante des débouchés, gagnerait à être développé et encadré par des professionnels officinaux. Elle invite les responsables à se pencher sur cette problématique. Nassima qui a suivi sa scolarité jusqu’à l’université dans la région parisienne, se définit comme une élève ordinaire qui s’est enrichie des nombreuses activités culturelles qui existaient dans les établissements scolaires et qui constituaient un espace pour l’éducation à la citoyenneté.

Son père fut diagnostiqué très jeune avec une maladie rénale, ce qui la responsabilisa assez tôt. Il dut suivre une hémodialyse à domicile qui était à cette époque au stade expérimental et fut suivi entre 1965 et 1975 par des médecins des hôpitaux parisiens. Sa mère avait suivi une formation adaptée durant plusieurs mois en dialyse, ce furent les débuts de l’éducation thérapeutique, une étape qui marquera longtemps Nassima et dont on en retrouvera l’impact des années plus tard dans son choix de la filière pharma et dans sa pratique officinale. Natif de Tolga, son père est parti dès l’âge de 18 ans en France comme de nombreux algériens qui ont dû, face à la pauvreté, quitter leur pays à la recherche d’un emploi.

En fervent patriote durant la guerre de libération nationale, il avait rejoint les rangs de la Fédération de France du FLN, lancée en 1954, au sein de laquelle, les activités clandestines nécessitaient la plus grande discrétion. C’est bien après l’indépendance de l’Algérie, que Monsieur Khouader se mit à raconter à ses enfants du haut de leur dizaine d’années, la guerre et les atrocités commises par l’occupant, ainsi que son engagement pour la cause nationale certainement dans le souci de perpétuer une mémoire et souligner le prix qu’il a fallu payer pour leur offrir la liberté.

Sa mère native de la Kasbah donna plus tard l’opportunité à Nassima d’être plongée dans cette médina historique classée au patrimoine mondial de l’Unesco qui l’évoque comme ‘l’un des plus beaux sites maritimes de la Méditerranée’ et fut habitée dès le VIe siècle avant notre ère quand un comptoir phénicien s’y installa. Elle reste marquée par l’architecture et la densité de la stratification urbaine ainsi que par les pièces miniatures qui composaient les maisons contrastant avec les grandes étendues qu’elle découvrait à Tolga. Ce fut pour Nassima, un retour vers la diversité des sites qu’elle appréciait et qui lui donnaient une sensation de bien être ainsi qu’une nourriture culturelle qu’elle semblait rechercher toute jeune depuis la métropole parisienne.

Nassima souligne le rôle de ses parents, qui ont constitué une véritable assise dans sa formation, avec la transmission de ces valeurs. A ce moment, les consulats avaient déployé une communication alléchante pour inviter les jeunes algériens bacheliers, à poursuivre leurs études dans leur pays. C’est sur cette proposition qu’elle fini par rejoindre l’université d’Alger de laquelle elle en sortira diplômée en 1992.

Elle continue sans relâche, d’apporter son expertise officinale et de partager sa vision pour éclairer les décisions qui iront dans le sens de la meilleure prise en charge des patients via l’Élargissement de la Pratique Pharmaceutique et les services rémunérés.

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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