Diabète et ramadan, revue de la littérature
Diabète et ramadan, revue de la littérature
par Abdellatif KEDDAD
Le mois de ramadan est le 9ème mois du calendrier lunaire. La durée du jeûne varie selon les régions, de 10 à 19 heures. La sourate El Bakara, dans son verset 184 précise que celui qui est malade ou en voyage devra jeûner un nombre égal d’autres jours, et que ceux qui ne pourraient pas le supporter, nourrissent un pauvre. Le montant de la compensation (Fidya) a été fixé par l’autorité religieuse en 2017 à 150 DA par jour.
Le professeur Ouddahi du service de médecine interne au CHU Bab el Oued (Alger), précise que le médecin ne peut pas forcer un malade à ne pas jeûner, mais son rôle est de lui expliquer les risques et de le convaincre.
28 % d’occlusion de la veine rétienne
La revue de médecine clinique dans son n° 46 de 2010, décrit lors d’un jeûne, une baisse de la glycémie qui provoque une diminution de l’insulinosécrétion. Le glucagon et les catécholamines s’élèvent et stimulent la glycogénolyse, avec une augmentation de la néoglucogénèse. Chez les patients DT1, le défaut de glucagon peut les rendre plus sensibles aux hypoglycémies. A la prolongation du jeûne, l’insuline ne régule plus la néoglucogénèse ni la cétogénèse, d’où risque d’acidocétose. Alghadyan (Saudi J Ophtalmol) évoquait des problèmes de thrombose avec 28% d’occlusion de la veine rétinienne pendant le ramadan chez les patients, sans démontré de lien avec les accidents coronariens ou vasculaires cérébraux.
Monira Al Arouj (Amiri Hospital Kuwait) et al. [1] définissait dans ses conclusions, des groupes à haut et très haut risque de développer une hypoglycémie sévère avec les patients DT1 qui ont déjà présenté des hypoglycémies à répétition, ou non ressenties, qui ne sont pas contrôlés. Le risque bien que présent, est moins élevé chez les patients DT2. Elle insiste sur l’importance de l’entretien avec le médecin et l’éducation thérapeutique nécessaire. Dans l’étude de Gaborit (ILHUP-2009) portant sur les facteurs de décision de jeûner ou non, 100% des patients estiment important l’entretien avec la famille, et 65% pour l’entretien avec le médecin. 45% de ces patients ont cessé le jeûne après une hypoglycémie et 12,5 % après une hyperglycémie.
Rupture immédiate du jeûne si Glycémie < 0,6g/l
Notons parmi les recommandations de l’équipe de Al Arouj la rupture immédiate du jeûne si la glycémie est < 0,6g/l ou si elle est > à 3g/l. L’éducation thérapeutique du patient et de sa famille est très précieuse, notamment sur la détection des signes d’hypo et d’hyper, de fréquence de contrôle. Si le maintien d’un exercice physique modéré est recommandé, il doit cependant être évité à l’approche de la rupture.
Adaptations thérapeutiques
Al Arouj dont les résultats ont été évalués par des experts internationaux souligne les adaptations thérapeutiques qui peuvent être envisagées avec les patients, après en avoir discuté avec le médecin. Cet ajustement de posologie durant la période du ramadan permet d’accommoder les changements à l’alimentation et au mode de vie (insuline et agents hypoglycémiants).
Les conseils fournis aux patients en officine, sont fonction du niveau de risque lié au jeûne. Pour cela la classification de l’ADA catégorise les patients en 4 groupes qui sont: à très haut risque, à risque élevé, à risque modéré, à risque faible. Ces conseils tous documentés (voir site web www.pharmainvest.dz) tournent autour du niveau de risque, du traitement, du niveau de compréhension (observance).
Ils vont concerner des adaptations des contrôles glycémiques sur la base des objectifs glycémiques fixés avant et après chaque repas. Il est ainsi conseillé de procéder à 5 mesures capillaires par jour: 1 avant le suhour et 2 heures après, vers midi, avant l’iftar et 2 heures après et sur les conduites à tenir en cas de valeur anormale.
Les conseils porteront aussi sur l’adaptation de l’alimentation comme retarder le plus possible le suhour et ne pas tarder à la rupture du jeûne. Il faudra éviter les aliments à fort index glycémique pas plus de 3 dattes par exemple (consulter les tables à cet effet), réduire les aliments frits et riches en huile, augmenter la consommation de fruits et de légumes frais, yaourt, pain complet. La consommation de thé (diurétique) au moment du suhour augmente le risque de déshydratation. Il est important de contrôler tous les jours son poids et d’alerter le médecin en cas de variation supérieure à 2 kg. Il est aussi utile de noter chaque jour, les menus consommés afin de se situer sur la nature des produits consommés et ainsi éviter toute redondance ou carence, sur ou sous consommation.
L’activité physique adaptée fait aussi partie des conseils pour les patients diabétiques, qui ont pour objectifs la limitation de l’insulino-résistance, l’augmentation des dépenses énergétiques, le maintien ou la perte de poids, le maintien voire le gain de masse musculaire. Le patient devra avoir une activité physique légère et quotidienne et évitera les efforts trop importants durant le jeûne, surtout pour les patients sous sulfamides ou insuline.
Enfin, L’adaptation thérapeutique se fait sur la base de tables de référence en fonction des produits utilisés par le prescripteur après un examen complet.
[1]Www.care.diabetejournals.org/content/diacare/28/9/2305.full.pdf
Al-Arouj and al. Recommandations for Management of Diabetes During Ramadan, Diabetes Care (vol 28, p. 2305-2311)
International Diabetes Federation. Diabetes and Ramadan Practical Guidelines,
http://www.idf.org/sites/default/files/IDF-DAR-Practical-Guidelines-Final-Low.pdf
Marquet A. Thèse accompagnement des patients diabétiques au cours du moins de ramadan en officine, 2013 Faculté de Pharmacie de Grenoble