Portrait d’actionnaire, Djamel Haddadi ancien PCA

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Portrait d’actionnaire, Djamel Haddadi ancien PCA

Portrait d’actionnaire, Djamel Haddadi ancien PCA

Volonté, organisation et sens du sacrifice

Djamel Haddadi est pharmacien d’officine titulaire installé à Batna depuis 1993. Il a été auparavant pharmacien hospitalier responsable du laboratoire de l’hôpital de 1988 à 1993, ce qui lui a permi d’accompagner la création d’un laboratoire privé d’analyses médicales. Il a été membre du premier bureau de wilaya du snapo créé à l’échelle nationale. Il a été enseignant à l’école para médicale de Batna . Membre fondateur de Pharma Invest, il a formé avec d’autres camarade une passerelle entre les groupements Nord Afique Pharm et Pharma Invest, où les échanges ont été continu et intenses, persuadé que l’union reste le ciment solide et inébranlable de la profession. Elu en 2005 PCA de Pharma Invest, c’est à ce titre qu’il répond à nos questions.

Abdellatif KEDDAD : Monsieur Djamel Haddadi, vous avez été le PCA du groupement Pharma Invest, pouvez-vous vous nous décrire la situation de l’officine avant le lancement du groupement ?

Djamel Haddadi : L’Etat exerçait son monopole sur l’importation, la production et la distribution du médicament. Les PHARM (Est Centre Ouest) entreprises nationales, étaient chargées de la distribution, et les pharmaciens étaient livrés mensuellement. Les commandes se faisaient sur la base de pré listés comportant une vingtaine de pages environ. Les officines avaient des difficultés de gestion du fait de l’obligation de sur-stocker, du risque de péremption et du problème de disponibilité des médicaments.   La loi sur la libéralisation du commerce, a été l’opportunité pour les non-professionnels d’envahir ce secteur perçu comme une poule aux œufs d’or, plus par intérêts financiers que par souci de la qualité de la distribution. Les directeurs techniques pharmaciens dominés par leur employeur, avaient souvent un rôle figuratif. Des pratiques non conformes à l’éthique sont apparues avec peu de souci de la couverture du pays en médicaments . Le PO subissait les contre coup de cette désorganisation. Les non disponibilités provoquées par les rétentions de produits de certains distributeurs plaçaient ceux-ci, en situation de monopole. Ils en profitaient alors pour écouler leurs produits rossignols (produits stock mort – invendus) et pour imposer des ventes concomitantes et des quotas. On observait aussi un non-respect des marges commerciales pourtant réglementées (décret marge avant 1998). La profession n’avait pas de représentant (ni ordre, ni syndicat) le PO était alors à la merci des distributeurs.

Dans les années 90, nous étions assez loin du contexte actuel: il n’y avait pas d’internet, pas de voyages professionnels vers les congrès, les revues professionnelles internationales quasi inaccessibles, les moyens et supports de communications très rudimentaires. IL y avait peu de communication entre les pharmaciens.

AK : Comment est venue l’idée d’organiser la profession en groupement ?

DH : L’ensemble de ces problèmes avait suscité chez les pharmaciens la volonté de s’organiser et d’investir le circuit de distribution. L’organisation en groupement est l’option qui est apparue et qui a été au cœur des débats, plaçant les pharmaciens à l’avant-garde. Elle apparaissait comme étant la seule alternative face au monopole des non professionnels et à l’organisation du marché de la distribution du médicament selon des règles plus éthiques. Leur volonté de former un groupement était inébranlable, sans hésitation, sans la moindre réticence, tous ont approuvé l’idée. C’est ainsi que sont nés les premiers groupements de pharmaciens Pharma Invest et Nord Afrique Pharm.

AK : Avez-vous rencontré des difficultés et comment les avez-vous surmontées ?

DH : La distribution était quelque chose de nouveau pour les pharmaciens. Très vite on s’est retrouvé face à la nécessité d’organiser cette nouvelle entité économique’ dans sa composante. En ma qualité de pca, le travail à réaliser est apparu immense et a nécessité non seulement la mobilisation totale et bien plus, des personnes qui avaient un sens aigu du sacrifice pour la réussite du projet. Le côté logistique comparé à ce qui existe actuellement, était très rudimentaire: la société était hébergée dans une petite surface, puis nous avons déménagé vers d’anciens locaux Soukh El Fellah, beaucoup plus vastes mais cependant non adaptés pour le stockage. Nous n’avions qu’un seul fourgon qui ne permettait de servir que quelques wilayas. Du côté de l’informatique, les outils disponibles n’offraient pas ce que demandait la gestion d’une telle entreprise ni sur le plan logiciel ni sur le plan machine. Cet apport était limité à la facturation. Le personnel qualifié n’était pas disponible, il fallait donc le former. Nous ne maitrisions pas les textes juridiques dont le code de commerce, ni les procédures réglementaires et administratives. Côté finances, le seul capital était l’apport des officinaux actionnaires, relativement maigre à ses débuts. Les administrateurs prêtaient à l’entreprise en lui fournissant des avances qui intégraient le chapitre ‘compte des associés’. Les membres du CA prenaient la route avec leur propre véhicule pour rentrer chez eux tardivement après une longue journée de travail au service de l’entreprise avec les risques sécuritaires encourus à l’époque, avec pour seule rémunération des jetons de présence qui servaient juste à financer le carburant. Nous étions animés d’une véritable volonté de faire réussir le projet quels qu’en soient les coûts. Les PCA, bien que résidants à des centaines de kilomètres du siège, étaient quasi quotidiennement sur le site au sein du groupement Pharma Invest. L’un d’entre eux a même passé le mois de ramadhan loin de sa famille dans l’hôtel de la ville pour rester opérationnel et suivre la gestion de PI au jour le jour. Les nécessaires déplacements sur la capitale pour les réunions de négociation avec les fournisseurs, étaient tout aussi risqués, couteux (souvent l’hébergement et la restauration étaient à notre charge) notre objectif et notre motivation restaient l’obtention des meilleurs avantages pour les officinaux.

AK : Où en sont les groupements à l’heure actuelle ?

DH : Il faut rendre hommage à tous ces pharmaciens qui ont successivement pris le relais du staff dirigeant de l’entreprise en toute abnégation à ce jour. Ils ont poursuivi les efforts et ont procédé à des réalisations importantes en matière de gestion, de formation, d’organisation, d’infrastructure. Ils ont préservé la mobilisation et la cohésion de tous malgré un environnement particulièrement agressif. En 17 années, une métamorphose s’est opérée. Nous étions ‘on the ground’ voir ‘underground’ ! puis un véritable décollage a été opéré, amenant l’entreprise à des standards internationaux qui relevaient du rêve à l’époque. Ceci confirme l’idée de génie du groupe de pharmaciens d’officine initiateurs du projet et leur vision avant-gardiste s’est vérifiée. En matière de communication, nous sommes passés de l’ère du papier à l’ère de l’électronique avec des lignes mobiles et fixes à volonté, une utilisation des TIC : partis d’une ligne téléphonique filaire unique pour passer les commandes de l’ensemble des clients, nous avons été propulsés à une ère où l’on peut consulter les produits, passer commande, suivre sa préparation et sa livraison ainsi que le suivi de son tableau de bord financier à partir d’un smartphone via internet et à partir de n’importe quel lieu sur la planète! Un lieu de stockage moderne et vaste, équipé et adapté répondant aux normes de stockage. Un parc auto de 80 véhicules, qui couvre les wilayas les plus éloignées du pays (Illizi, etc.). Nous avons acquis la maitrise du management et des procédures de fonctionnement, de recrutement et de formation du personnel et des cadres dirigeants. Il faut avoir traversé cette époque pour comprendre combien l’évolution a été fulgurante.

AK : Quelle est votre vision, comment concevez-vous les groupements dans le futur ?

DH : Tout d’abord, il faut savoir que le groupement n’a pas les mêmes objectifs que le distributeur classique. C’est pourquoi, l’idée est de faire évoluer le groupement pour passer du stade de la distribution à celui de véritable acteur de la chaine de soins en y intégrant des prestations de services qui vont accompagner les officinaux dans la prise en charge de leurs patients. La production apparait aussi comme un élément incontournable qui va nous permettre de jouer un rôle non seulement économique important, mais aussi sanitaire par la production de médicaments de qualités en mesure de répondre aux exigences de la profession.

AK : En conclusion, que retenez-vous de cette véritable épopée ?

DH : La volonté nous a permis d’avancer lentement mais surement d’affronter et de surmonter les problèmes. Ainsi s’est construit le projet de groupement, fruit d’une réflexion continuellement enrichie. Ce projet a gagné par la vision qu’en ont eue les différents pharmaciens qui se sont succédés et les compétences managériales qu’ils ont acquises. Dans un tel contexte, on ne peut qu’encourager les officinaux à rejoindre les groupements de pharmaciens, seule entité en mesure de répondre aux préoccupations et à leurs intérêts et ceux de la profession.

 

 

Abdellatif Keddad
Abdellatif Keddad
Journaliste médical
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